Étudiant-entrepreneur : qu’en pensent ceux qui se sont lancés ?

Sylvie Laidet-Ratier

Ce statut qui permet aux étudiants et jeunes diplômés de se lancer dans un projet entrepreneurial en étant coaché, séduit plus de 2 000 jeunes par an. Retour d’expérience de trois d’entre eux.
Étudiant-entrepreneur : qu’en pensent ceux qui se sont lancés ?

Naomi Le Goff, 23 ans, étudiante entrepreneure, créatrice de Munani Alpaca (Pau)

C’est lors d’un voyage au Pérou que Naomi Le Goff a l’idée de lancer un business de fabrication de vêtement en laine d’alpaga afin d’aider à la réinsertion de toutes jeunes mamans locales. De retour en France, cette étudiante à l’ESC Pau postule au statut d’étudiant entrepreneur. « J’ai rempli un dossier en ligne précisant qui j’étais, mon projet, son stade d’avancement et mon business plan », détaille-t-elle.

Elle décroche le « titre » d’étudiante entrepreneur (EE) en février 2016 (renouvelé une fois depuis). Là, elle intègre le Pôle étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (Pépite) du Campus Aquitaine. « Un véritable lieu de soutien et d’écoute entre jeunes entrepreneurs. J’ai fait évoluer mon projet en écoutant des confrères mais aussi des experts. J’ai par exemple consulté un expert comptable et un fiscaliste », apprécie la jeune auto-entrepreneur.

Installée physiquement dans les locaux du Pépite, Naomi Le Goff est également épaulée par un parrain issu du pôle. « Nos sessions de travail de visu, par mail ou par Skype m’ont permis d’optimiser l’organisation des mes idées et l’étude de marché », raconte-t-elle volontiers. Même si cela n’était pas obligatoire compte tenu de sa formation en cours, la jeune femme passe tout de même le diplôme d’établissement « étudiant-entrepreneur » (D2E). « Mon école a été très compréhensive dans la gestion des emplois du temps. Au cours de ces 4 mois de formation à l’entrepreneuriat, j’ai pu présenter mon business model et mon business plan à des professionnels et donc profiter de leur feed back. Pouvoir s’enrichir des avis du Pépite, des intervenants du D2E, de mon réseau personnel, a fait grandir mon projet », explique-t-elle.

En faisant valoir son D2E auprès de la Chambre des métiers lors de son inscription comme auto entrepreneur, elle a été dispensée des 4 jours de stage obligatoire facturés 400 euros. Une économie substantielle pour cette jeune chef d’entreprise qui s’apprête à arpenter les marchés cet été en vendant des produits artisanaux afin de se créer de la trésorerie pour financer la production des premiers modèles cet hiver au Pérou. Déjà endettée à hauteur de 40 000 euros pour financer sa formation supérieure à l’ESC Pau, Naomi Le Goff n’a pas pu emprunter davantage. Et a un regret : « dommage que ce statut ne soit pas vraiment reconnu par les banquiers. Cela pourrait faciliter l’obtention de financement ».

 

Alexandre Macé, 24 ans, ancien étudiant entrepreneur, désormais responsable du développement international de Percko (Paris)

C’est en cinquième année de son parcours à l’école de commerce Audencia (majeure Entrepreneuriat) qu’Alexandre Macé opte pour le statut d’étudiant entrepreneur. « J’y ai vu l’opportunité de transformer mes six mois de stage de fin d’études en un semestre pour plancher sur mon projet d’entreprise. Un bon moyen de ne pas perdre de temps », se souvient-il. En janvier 2016, il décroche le statut d’EE et rejoint le Start up Lab d’Audencia. « Le statut me donnait également accès à tous les espaces de coworking parisiens ouverts aux étudiants entrepreneurs », ajoute-t-il.

Accompagné par deux « associées » et un tuteur, le directeur de la majeure entrepreneuriat d’Audencia, il se donne à fond durant six mois pour son projet WILY, un assistant personnel intelligent à destination des étudiants étrangers. Basé sur l’intelligence artificielle, ce concierge génère des réponses précises et automatiques à des questions posées par SMS. Au moment de contracter un emprunt auprès des banques, Alexandre estime le projet encore trop flou et jette l’éponge pour rejoindre la start up Percko, mais cette fois comme salarié. « En entretien, je n’ai pas mis en avant le statut d’étudiant entrepreneur encore trop peu connu et pas assez prestigieux mais j’ai insisté sur mon aventure entrepreneuriale. Essayer, tester, réussir, échouer, s’adapter, partir de zéro pour construire quelque chose, le tout en accéléré, voilà ce qui, j’en suis sûr, m’a permis de marquer des points lors de l’entretien d’embauche », argumente le jeune homme.

Devenu salarié, Alexandre Macé recommande volontiers ce statut d’EE, qui selon lui, gagnerait à bénéficier de davantage de moyens. « Être EE permet de conserver ou retrouver les avantages liés au statut d’étudiant (CAF, etc). Par exemple, décrocher un prêt étudiant à des conditions très favorables. Cela permet également d’entreprendre sans trop de risque. Enfin, cela a ouvert les portes de certains concours, par exemple celui de Moovjee », détaille-t-il. Un bon moyen de gagner en efficacité et visibilité.

 

Lucie Jamen, 27 ans, jeune diplômée de Centrale Lille et créatrice de Kissala (Lyon)

Après son diplôme d’ingénieure de Centrale Lille obtenu en 2013, Lucie Jamen enchaine avec 2 ans en bureau d’étude. Mais rapidement fin 2015, elle se penche sur un projet entrepreneurial qui lui tient à cœur : la vente de mélanges d’épices et d’herbes aromatiques bons pour l’organisme, Kissala*. En avril 2016, elle sollicite et obtient le statut d’étudiant entrepreneur et rejoint le Pépite Beelys à Lyon. Une aubaine pour la jeune femme. « Travailler dans des locaux communs avec d’autres porteurs de projet, tous à des stades avancés différents, créé une réelle émulation », apprécie-t-elle.

En tant que jeune diplômée, elle passe obligatoirement le D2E. « Les cours se déroulaient le samedi matin et portaient sur la propriété intellectuelle, le business model, le business plan, le commercial… Fort instructif », se souvient-il. Et puis, ce statut, dont elle profite encore jusqu’en novembre 2017, lui permet de bénéficier d’un double accompagnement. « J’ai à la fois un tuteur académique, un maître de conférences en entrepreneuriat de l’université de Saint-Etienne et un tuteur professionnel. En l’occurrence, un chef  d’entreprise spécialisé dans la vente de chocolats aux épices. On se voit tous les mois pour faire un point sur l’avancée de mon projet, sur l’atteinte des objectifs fixés lors du rendez-vous précédent. Mes tuteurs avaient des points de vue différents sur les canaux de distribution. J’ai confronté les deux idées pour définir la stratégie la plus adaptée à mon concept », illustre Lucie Jamen. Finalement, ces mélanges d’épices, mis au point avec une diététicienne et Khanh-Ly, gagnante de MasterChef  2015, seront vendus en ligne et dans les magasins bio dès septembre prochain.

Grâce au statut, Lucie Jamen a pu postuler et remporter le prix MoovJee de la catégorie Étudiant entrepreneur. « Le Pépite Beelys, et donc le statut, sont des accélérateurs pour mon projet. L’accompagnement est bien adapté à des jeunes porteurs de projet, les cours du D2E d’excellente qualité, et l’environnement de travail stimulant. C’est une vraie valeur ajoutée », conclut-elle. Le tout pour des frais de scolarité à l’université d’environ 200 euros. Un retour sur investissement défiant toute concurrence. 

Etudiant – entrepreneur, comment ça marche ? 

EE, c’est pour qui ? Ce statut s’adresse en priorité aux jeunes de moins de 28 ans, âge limite pour bénéficier du statut d’étudiant. Vous devez avoir au minimum le bac (ou un diplôme équivalent) pour y prétendre. Vous pouvez soit être en cours d’étude ou jeune diplômé et évidemment avoir un projet entrepreneurial réaliste.

Comment devenir EE ? Étudiant ou jeune diplômé, vous devez soumettre votre dossier de candidature au statut d’EE à l’un des 29 Pépite répartis sur le territoire. Les demandes se font en ligne. 

EE, combien de temps ? Le statut d’EE vous est octroyé pour un an et est renouvelable tous les ans.

EE, ça comprend quoi ? Si vous êtes en cours de cursus scolaire, ce statut vous permet de rendre compatible vos études avec votre projet d’activité, en proposant notamment des aménagements d’emplois du temps, des crédits ECTS et la possibilité de substituer au stage le travail sur votre projet. Selon votre profil, le comité d’engagement des Pépite estimera si votre inscription au diplôme d’établissement « étudiant-entrepreneur » (D2E) est indispensable ou pas. Vous bénéficierez d’une aide à la recherche de financement, d’un double accompagnement personnalisé, d’une mise en réseau et d’un accès au lieu de coworking du Pépite de votre territoire.

Si vous êtes jeune diplômé, être EE vous permet de retrouver le statut étudiant et les avantages associés (possibilité de prolonger les bourses sur critères sociaux, couverture sociale étudiant, tarifs réduits, etc). Vous pouvez également profiter du même soutien que les étudiants « classiques » mais pour vous le D2E est obligatoire. Pour cela, vous n’avez à payer que les droits d’inscription à l’université dans la limite de 500 euros par an. À noter si vous êtes demandeur d’emploi et que vous obtenez ce statut d’EE, vous conservez vos droits Pôle emploi.

En savoir plus et postuler sur http://www.etudiant.gouv.fr/pid34459/le-statut-national-d-etudiant-e-entrepreneur-e.html

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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