Faites-vous partie, sans le savoir, des pires managers ?

Céline Chaudeau

Un micro manager - façon polie de parler du syndrome du "petit chef" - reste une espèce courante dans nos open space. Cependant, beaucoup le sont sans le savoir et peuvent sortir de cette posture délétère. C’est souvent mieux pour eux, et plus encore pour leurs équipes et l’entreprise…
Faites-vous partie, sans le savoir, des pires managers ?

C’est un examen de conscience – gratuit mais pas encore homologué – proposé en ligne par le spécialiste en management américain Robert Sutton. Il se décline en 24 constats du genre "Vous ne faites pas confiance à vos collaborateurs ?", "Vous avez tendance à voir vos collègues comme des concurrents ?", "Vous du mal à vous réjouir des réussites des autres ?", "Vous avez tendance à pointer les erreurs des autres ?" ou encore "Quand votre équipe réussit quelque chose, vous ne rechignez pas à prendre aussi la lumière ?"…

Les indices d’un comportement de "petit chef"

Ces observations vous paraissent familières ? Robert Sutton appelle cela le "test d’évaluation du sale con" (asshole rating, en anglais). « En France, on parle plutôt de micromanagement, sourit Sophie Cohendet, co-fondatrice de la plateforme Learn Assembly. On pourrait aussi parler du syndrome du manager intermédiaire, qui est souvent pris en étau. Dans les faits, c’est un "petit chef" qui justifie souvent son nom par de la rétention d’information, une délégation d’autonomie très limitée et une volonté de mainmise sur tout. Il veut tout valider, qu’il s’agisse d’une date de réunion ou de la moindre petite dépense engagée. À une époque où l’on va vers des organisations de plus en plus plates, en essayant de réinventer le lien hiérarchique, il y a forcément une crispation envers ce type de management. » Christophe Bergeon confirme. « J’ai en tête, dans l’un de mes précédents postes, l’exemple d'une directrice marketing qui n'avait aucune autonomie, se souvient cet ancien cadre, devenu entrepreneur. Elle ne gérait aucun budget et, même pour la moindre organisation de séminaire, elle devait soumettre sa liste d’invités à son responsable. Elle pouvait même se faire réprimander si elle avait envoyé une boîte de chocolat à un client et pas une autre ! Aussi bonne soit-elle, il lui était impossible d’avoir la moindre vision ou de développer la moindre stratégie… »

 

Des conséquences néfastes sur les équipes

C’est justement à cause de ce type de comportement que Christophe Bergeon a eu l’idée de créer ZestmeUp, une start-up dédiée à l’écoute des collaborateurs et à l’amélioration managériale. « Pour être passé derrière certains de ces micro-managers, je sais quels dégâts ils peuvent causer pour les salariés comme pour l’entreprise. J’ai connu beaucoup de patrons de PME qui, à force de micromanager, avaient du mal à s'entourer de personnes compétentes. Normal : dans un tel climat, ceux qui le peuvent partent au bout de six mois ! Quant à ceux qui restent, ils sont au mieux démotivés, et, au pire, complètement cassés. Ce n’est pas un sujet anodin car il peut aussi causer des troubles psycho-sociaux. » Pour appuyer cette démonstration, Sophie Cohendet rappelle les théories de la motivation développées par Daniel Pink. « Parmi les composantes de la motivation intrinsèque qu’il a établies, il évoque un besoin d’autonomie, la question du sens de ce qu’on fait ou encore la nécessité de grandir dans son travail. Or, rien de tout cela ne peut exister avec un micro-manager. »

 

Sortir de cette spirale délétère

Pour autant, la situation est-elle irréversible ? Pas forcément. Si l’on revient au questionnaire de Sutton, ce spécialiste estime qu’entre 5 et 15 aveux de faiblesses (sur les 24 que comptent son test), un cas est jugé fâcheux… mais pas désespéré. « Il y a des managers toxiques qui prennent plaisir à contrôler, mais la plupart commettent juste des erreurs sans en être forcément conscients, abonde Christophe Bergeon. Il y a beaucoup d’experts ou d’excellents techniciens qui ont été propulsés managers sans avoir appris comment encadrer ni à motiver leurs équipes… » Or, le lâcher prise, cela s’apprend. Sur ce sujet, Learn Assembly, par exemple, a mis en ligne un Mooc pour développer son excellence managériale. « Certaines personnalités "micromanagent" aussi dans leur vie personnelle, observe Sophie Cohendet. Dans ce cas, elles peuvent déjà essayer de donner un peu plus d’autonomie à leurs enfants par exemple pour constater de premiers bienfaits. »

Autre étape à suivre : se demander progressivement, au bureau, quelles décisions on se sent capable de lâcher. « On peut même faire un test en sondant ses collaborateurs. Non seulement c’est une démarche qui sera appréciée mais aussi, souvent, le manager se découvrira lui aussi plus de temps pour faire d’autre choses, également plus intéressantes… »

Céline Chaudeau
Céline Chaudeau

Vous aimerez aussi :