L'art de partir en congé mat'

Benjamin Fabre

Saillies sexistes. Reproches culpabilisants. Angoisse du placard... Si le congé maternité est un bonheur personnel, il est aussi un piège professionnel. Comment déjouer le second pour maximiser le premier ? La réponse de Benjamin Fabre, auteur de la chronique # FYI (for your information).
L'art de partir en congé mat'

Description de la situation

Timidement, les mains crispées par le trac, vous entrez dans le bureau de votre N+1.

- Pascal, je voulais te dire… Voilà… Je suis enceinte.

- Ah… Bravo… C’est super. Mais dis-moi… Tu comptes le garder ?

Vous avez rêvé. Ce n’est pas possible.

Et pourtant si. Pascal, votre boss aux cheveux gominés, récemment autoproclamé gentleman de l’open space, vient bien de prononcer ces mots. Il éclate de rire. Puis ajoute « Je rigole, bien sûr ! », précision qui vous laisse pantoise, tant vous peinez à établir, même en y réfléchissant, si elle arrange ou aggrave son portrait.

Vous quittez son bureau. Et concluez qu’avec de tels spécimens dans votre entreprise, votre congé maternité peut, potentiellement, se transformer en chausse-trappe.

Et vous avez raison.

 

Les clés pour s’en sortir

Du calme. Du calcul. Pascal est votre boss, et personne, ni vous, ni sa malheureuse épouse, ni même sa mère, ne peut plus rien pour son éducation. Il va falloir être plus rusée que lui. Ce ne sera pas difficile…

Premier chantier : les blagues sexistes. Pour les dégoupiller, une bonne stratégie consiste à garder un air neutre et à faire durer un peu le malaise, jusqu’à y engloutir l’auteur. « Le garder… Le garder… Attends… Je cherche à comprendre… Cette blague a un vrai potentiel, je le sens… Pourrais-tu la répéter… ? » Ou alors à rire avec détachement, ce qui exige un vrai sang-froid, je vous l’accorde, mais qui vaut toujours mieux qu’un rougissement ou des cris scandalisés, lesquels cristallisent votre position de victime et flattent, finalement, la fibre machiste de l’adversaire.

Deuxième sujet : la culpabilité. Tâchez de la mettre au placard. Partir quatre mois n’est pas un crime. Vous les rattraperez sans peine. Plusieurs études ont montré que la productivité des femmes était supérieure à celle des hommes (légèrement, je précise ; mais supérieure quand même). Si besoin, ayez une pensée pour ce qu’un gouvernement réalise en cinq ans. Ça soulage.

Ensuite, votre intérim. De grâce, ne le préparez pas trop bien. Il faut que votre absence se voie. Se ressente. Si vous gérez votre transition à la perfection, que croyez-vous ? Qu’on va vous décorer pour avoir géré votre transition à la perfection ? Mais non. On va se dire, pardi, que le monde tourne très bien sans vous. Alors, laissez des trous. Préparez des turbulences. Que vous résoudrez à distance, en quelques coups de fil, comme une sauveuse de l’humanité.

Ce qui m’amène au dernier conseil : gardez le contact. Pendant la durée de votre congé maternité, évitez, autant que possible, la tentation du black-out. Je sais bien que vous brûlez de les oublier. Mais eux aussi savent le faire. Rappelez-vous qu’au bureau, les mémoires s’effacent (presque) aussi vite qu’en politique (JF Copé compte beaucoup là-dessus). Alors, pour éviter les surprises sympathiques (disparition de votre poste, etc.), prenez des nouvelles. Envoyez-leur des signaux d’existence, et pas seulement ce faire-part à petits nœuds qui vous réduira, soyez-en sûre, à une image de pondeuse à la vanille. Vous êtes un peu plus que cela…

 

Et vous ? Comment avez-vous déjoué les « pièges » du congé maternité ? Témoignez sur la page Facebook de Benjamin Fabre

 

Benjamin Fabre
Benjamin Fabre

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