Le retour, talon d'Achille de l'expatrié

Sébastien Tranchant

Les DRH le disent sans détour : si décrocher un poste à l'étranger muscle un CV, cette expérience doit demeurer temporaire car les carrières professionnelles se bâtissent le plus souvent dans le pays d'origine, et non à l'étranger.

Pour Jean Pautrot, président du Cercle Magellan, pôle d'échanges et de rencontres réputé entre professionnels de la mobilité internationale, « la vraie expatriation, c'est le retour ». Une boutade qui illustre bien le désordre que peut provoquer cette phase délicate du retour au bercail.
Faire le deuil d'une vie de privilégiée

« C'est un cap difficile à aborder pour le cadre car il doit faire le deuil d'un moment privilégié de sa vie », commente Jean Prautot. A l'étranger, le salarié français demeure l'ambassadeur de son entreprise, bénéficie d'un cadre de vie privilégié, jouit d'une grande autonomie. De retour en France, il se confronte au sentiment d'indifférence de ses collègues, les réseaux peuvent avoir changé, les services ont souvent été réorganisés. « La descente peut être brutale quand le salarié redevient une simple abeille dans la ruche, souligne Pierre Zveguintzoff, responsable du personnel international chez Air France. Ainsi, le seul moyen de prévenir ce sentiment négatif c'est d'adopter le plus tôt possible un langage de vérité auprès des salariés candidats à l'expatriation. » Autrement dit, la question complexe du retour doit être abordée dès le départ.

L'avenir professionnel n'est pas à l'étranger

Le cadre doit avoir conscience que la vie dorée menée à l'étranger ne durera pas. Pourquoi ? « Car l'avenir professionnel d'un salarié n'est pas à l'étranger du fait d'un effectif encadrant limité, poursuit Pierre Zveguintzoff. Une expérience d'expatriation enrichit un parcours professionnel, apporte son lot de compétences, mais doit être vécue comme une période temporaire permettant d'accéder à de plus hautes fonctions par la suite. Il serait d'ailleurs plus judicieux de proposer des postes 'promotionnants' au retour plutôt qu'au départ. Cela permettrait sûrement aux salariés de mieux anticiper leur rapatriement. »

Réapprendre à vivre dans le pays d'origine

Au-delà du contexte strictement professionnel, le retour peut aussi provoquer des décalages d'autres natures. « Nous avons été confrontés à des expatriés qui n'avaient jamais connu les 35 heures ou encore qui ne connaissaient pas la carte vitale », se souvient Elisabeth Cuingnet, responsable administration du personnel international chez Auchan. D'où le projet au sein du groupe de grande distribution de mettre au point un programme de formations interculturelles au retour. Une parade utile ne serait-ce que pour réapprendre à vivre sans package.

Sébastien Tranchant
Sébastien Tranchant

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