Managers coach ou servant leaders, c’est quoi cette nouvelle façon de manager ?

Sylvie Laidet-Ratier

Parce que le business va plus vite et que les collaborateurs n’ont plus les mêmes attentes vis-à-vis de leur hiérarchie, le management doit s’adapter. Parmi les postures en vogue : le servant leadership. Explications.
Managers coach ou servant leaders, c’est quoi cette nouvelle façon de manager ?

Un manager qui pose les bonnes questions au lieu de donner les réponses

En optant pour un management proche du coach ou ce que certains appellent servant leader, il s’agit pour les boss d’abandonner en partie leur posture haute de command-and-control pour une posture plus basse, de facilitateur auprès de leurs équipes. « Le rôle d’un manager coach est d’expliquer le pourquoi du travail en donnant un cadre à respecter plus que de s’appesantir sur le comment. Pour les moyens d’atteindre ses objectifs, il doit accepter de lâcher son expertise pour s’en remettre à ceux qui font. « Ce sont eux les sachants », explique Patrice Fornalik, coach professionnel en management.

 

Les  indispensables du manager coach

Pour passer d’une posture de manager classique à manager coach, ou servant leader (même si le terme fait parfois peur aux managers qui se sentent rabaissés et dont l’ego en prend un coup), maîtriser plusieurs compétences s’impose. « Un manager coach doit être dans l’écoute active et la bienveillance. Son questionnement ne doit pas être suggestif, autrement dit orienté afin de valider ses propres conclusions, mais ouvert », suggère François-Xavier Duperret, directeur chez Eurogroup Consulting. Là où un manager traditionnel dirait "ne penses-tu pas que tu devrais faire comme ceci", un manager coach/servant leader formulerait davantage ses propos ainsi "qu’as-tu essayé pour régler ton problème ? Qu’est ce qui pourrait t’aider ?". Il n’apporte pas de solutions toutes faites mais amène son équipe à se poser les bonnes questions qui les mettront sur la voie de la réussite.

Autre compétence indispensable : la capacité à donner un feed-back. Le tout sans tomber dans le jugement. « Un manager coach doit se concentrer sur le faire - ce que tu as fait n’était pas adapté, la qualité de ton travail est à la hauteur des objectifs fixés, etc-  et pas sur l’être », suggère François-Xavier Duperret. Le tout avec bienveillance et empathie en veillant à être le plus objectif possible.

Lire aussi : Comment devenir un manager bienveillant

 

Le servant leader ne doit pas oublier d’être manager

Comme un coach, le servant leader doit être capable de prendre une méta position. « À savoir, observer sans s’impliquer en termes émotionnels tout en ressentant les choses », insiste Patrice Fornalik. Bref, une posture pas toujours facile à tenir. Ce qui fait s’interroger François-Xavier Duperret sur la possibilité pour un manager d’être un manager coach. « Pour moi le manager coach est un mythe car le manager conserve des actes de management comme recadrer, donner des priorités, des objectifs, etc. Contrairement à un coach, il est en posture d’évaluation de ses collaborateurs », argumente-t-il. Conclusion : le salut d’un manager passe par sa capacité à  faire des allers retours entre sa position de manager et celle d’un coach.

 Ils sont des servant leaders ou managers coach et témoignent

Sébastien Lambert, référent chez Mychauffage.com

Chez Mychauffage.com, exit les pyramides hiérarchiques et les managers, place à une organisation plate avec un système de référents. Parmi eux, Sébastien Lambert qui pilote une équipe de 9 chargés d’affaires. « Chez Mychauffage.com, les chargés d’affaires sont entièrement autonomes sur leurs dossiers, de la prise de contact avec les clients au service après-vente. Si un dossier leur échappe, ils viennent me voir », explique-t-il. Sans lien hiérarchique avec eux, sa posture première consiste à écouter l’état des lieux dressé par son collègue. « Dans 90 % des cas, je suis là pour le rassurer et lui confirmer sa réponse. Sinon, je lui donne des axes de réflexion et d’amélioration mais mon rôle est toujours participatif. Libre à lui d’en faire ce qu’il en veut », illustre-t-il. Chez Mychauffage.com, chacun définit ses propres objectifs en fonction de ce qu’il pense être réalisable pour lui. « Pour qu’ils se fixent des objectifs réalistes, le référent leur donne des indicateurs d’aide à la décision (nombre de contacts pris, dossiers en cours, etc.). Mais ce sont eux qui déterminent l’objectif final à atteindre. « Si un chargé d’affaires vise 100 mais que j’estime qu’il est capable d’atteindre 140, j’essaie de savoir pourquoi il indique ce chiffre et pas au dessus. Il se peut qu’il n’aime pas se mettre la pression au quotidien. D’autres à l’inverse se lancent des challenges. Mon rôle de manager coach n’est pas d’imposer mais de m’adapter à chacun pour faire avancer l’équipe vers le bon équilibre», témoigne-t-il. Au final, pas de classement des meilleurs vendeurs mais la prise en compte du chiffre d’affaires global réalisé par l’équipe.

 

François Salazar, directeur opérationnel chez Prometil

Quand il rejoint l’entreprise, cette dernière entend devenir une entreprise libérée. Plus modestement, la société est aujourd’hui sur la voie de l’auto-organisation et lui, occupe la place de servant leader auprès des 34 collaborateurs en poste. « Nous ne planifions pas de grands changements, nous laissons les équipes évoluer à leur rythme et selon leurs attentes », précise-t-il. L’une d’entre elles, a par exemple choisi de décentraliser les décisions. Le manager en poste qui organisait le travail et le reporting est parti en congé sabbatique, François Salazar a donc aidé cette équipe à se repartir les responsabilités, les tâches mais rapidement, il constate que les décisions ne se prennent pas et que les clients en pâtissent. « En tant que servant leader, je leur ai rappelé le cadre. À savoir que la finalité était le rendu du service, la satisfaction client et l’encaissement du chiffre d’affaires. Que ça, c’était non négociable », raconte-t-il. Ensuite, il les a fait réfléchir aux causes de la non prise de décision. « Il en est ressorti que, par manque d’unanimité dans l’équipe mais aussi pour des questions de déplacements trop fréquents, les décisions n’étaient pas prises », illustre-t-il. Depuis, cette remise à plat, cette équipe dispose d’un binôme de coordination composé d’un chef de projet et d’un expert technique et n’a jamais été aussi autonome. Et les décisions se prennent de manière fluide.

 

Éric Raffin, co-fondateur de Matters

Lancé il y a 10 ans à l’issue des études d’ingénieurs des deux co-fondateurs, le servant leadership est dans les gènes de cette entreprise parisienne. « D’emblée, nous avons voulu rompre avec un modèle pyramidal et hiérarchique au profit d’une structure quasiment plate avec quelques leaders chargés de donner les moyens de réussir à l’ensemble des collaborateurs », explique Éric Raffin. Chez Matters, les managers leader ne sont pas dans leur tour d’ivoire à faire descendre l’information vers les middle managers qui eux-mêmes, la répercute aux 60 salariés. « Le servant leader est un facilitateur au quotidien », insiste-t-il. Illustration. Toutes les semaines, une équipe est en charge d’organiser des meet-up express afin de faire découvrir une technologie ou un service aux autres salariés. « Les gestionnaires du projet nous ont demandé une régie vidéo afin de diffuser en live les interventions auprès de nos collaborateurs américains. Pour arbitrer, nous leur avons demandé en quoi cette requête servait l’intérêt collectif de l’entreprise car nous ne perdons jamais de vue que la société doit être rentable. Après discussion, il s’est avéré que l’intérêt serait de faire rayonner notre savoir-faire aux USA mais aussi auprès d’une communauté plus large, grâce à une chaîne publique Youtube. De surcroît, on capitalisait ainsi sur nos savoirs », illustre Éric Raffin. La demande de régie vidéo a ainsi été validée. Chez Matters, un simple problème de poubelle retient également l’attention des servant leaders. « Notre premier délégué du personnel se plaignait du manque de poubelles dans l’entreprise. En fait, la sienne était toujours pleine. Nous lui avons suggéré de la vider plus régulièrement. Il nous a rétorqué que ce n’était pas son rôle. Et il avait raison. Au final, en échangeant, on s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un problème de fréquence du ménage que nous avons fini par augmenter », détaille ce manager coach. Dans un autre type de management, le sujet serait sans doute passer à la trappe et aurait continuer à pourrir la vie de ce salarié.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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