Participer à un shadow comex : quels effets sur la carrière des jeunes cadres ?

Céline Chaudeau

Les shadow comex – ou comités exécutifs de l’ombre- ont vu le jour pour associer de jeunes talents à la gouvernance de l’entreprise. Une tendance qui leur permet de se frotter, l’espace d’un mandat, aux instances dirigeantes. Mais après ?
Participer à un shadow comex : quels effets sur la carrière des jeunes cadres ?

C’est une offre "qui ne se refuse pas". Antonin Decosse avait 32 ans et déjà dix ans d’ancienneté chez Adecco quand son employeur lui fait, en 2016, cette flatteuse proposition. La même année, alors qu’il était encore étudiant à l'IAE de Perpignan, Victor Leboda a été sollicité par un Groupement d’Intérêt Public (GIP), l’Agence de Développement Économique Pyrénées Méditerranée Invest, pour une aventure similaire et néanmoins forcément différente. Tous deux ont en commun d’avoir participé à un shadow comex. Sans regret, voire plus.

 

Dans l’ombre des aînés

« Un shadow comex, si on traduit l’expression littéralement, est un véritable comex de l’ombre », explique Jean-Marie Peretti, professeur à l'Essec et spécialiste en innovation managériale. C’est une tendance qui commence à se développer en France, portée par des groupes comme Accor qui ont expérimenté l’idée avec succès. » But du jeu : demander à des profils prometteurs, de moins de 35 ans en général, d’examiner les mêmes problématiques que leurs aînés en comité de direction. « L’idée est de voir comment une question sera traitée par cette génération en lui livrant les mêmes informations. Mais chaque shadow comex sera forcément différent et portera l’empreinte des instances dirigeantes. »

Antonin Decosse confirme le caractère passionnant et solennel de l’exercice. « La première fois, on est un peu intimidé et on a surtout envie d’écouter les autres, sourit-il. Chez Adecco Group, le shadow comex siège en même temps que le "vrai". Mais sous l’impulsion de Christophe Catoir, président du groupe Adecco, la parole s’est vite libérée, sans filtre. » Le jeune cadre a apprécié l’exercice. « Cela m'a donné une vision globale du groupe et des réalités opérationnelles de chacune des entités en France. On peut être sollicité sur des projets transversaux comme des priorités d'investissement, la direction des systèmes d’information ou encore l’amélioration du quotidien des services. »

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Un avis pris au sérieux

« On était là pour donner notre point de vue sur les sujets et pour faire des propositions de solutions innovantes sans aucune censure », abonde Victor Leboda. Les problématiques de l’agence de développement économique Pyrénées Méditerranée Invest sont variées : développer l'attractivité économique de la région, attirer des entreprises innovantes ou entreprises industrielles historiques ou encore garder les étudiants diplômés dans ses établissements. « On nous a fait comprendre qu'on prenait au sérieux notre avis et nos propositions innovantes. »

Si aucun des deux ne regrette l’aventure, chacun en mesure différemment l’impact. « Les échanges étaient assez unilatéraux comme si on se contentait de récupérer du jus de cerveau créatif, nuance Victor Leboda. En revanche, j'ai appris quelles étaient les opinions d'autres jeunes de mon âge sur des sujets qu'on aborde assez rarement avec des amis lorsque le contexte est moins formel. » Antonin Decosse, en revanche, s’est senti davantage dans l’échange. « Je ne me suis pas senti dans un combat d'ego mais en responsabilité pour pouvoir faire remonter certaines informations du terrain et mettre en lumière des sujets que le comité de direction n'a pas forcément l'occasion d'identifier ou d’entendre. Sur la direction des systèmes d'information par exemple, quand il a été question de priorités, on pouvait aider les collaborateurs être plus performants dans leur quotidien, et investir surtout pour leur faciliter la vie. »

 

Des effets à suivre

Un an après, chacun a terminé sa mission. Et tous deux font mention de l’expérience sur leur CV en ligne. « Je ne sais pas si cela sera utile pour ma carrière car une majorité des jeunes de ma génération n'aspire plus à une "carrière" », résume Victor Leboda, pragmatique. Aujourd’hui, ce jeune diplômé travaille comme growth marketer dans une start-up parisienne. « Quoi qu'il en soit, toute expérience peut se valoriser en entretien si le contexte s'y prête, et celle-là également. »

Pour Antonin Decosse, dont la carrière continue de s’inscrire dans le Groupe Adecco, la perspective est différente. Actuellement executive director chez Badenoch & Clark, une entité du groupe spécialisée dans le recrutement et l’évaluation de cadres et dirigeants, ce cadre a apprécié cette marque de confiance. « C'est un facteur d'engagement dans les deux sens. Je suis aujourd'hui à 2000 % derrière le comité de direction. Et au quotidien, cela me permet aussi de porter des projets beaucoup plus larges et d'être plus près des clients. J'ai appris beaucoup de choses, élargi mon réseau et cela a conforté mon envie de poursuivre vers des fonctions de direction. » Au final, il a eu surtout l’impression de gravir une marche.

 

Céline Chaudeau
Céline Chaudeau

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