Une vengeance par empoisonnement ? Ce n’est pas du cinéma. L’an dernier, un ancien stagiaire de l'Institut Gustave-Roussy a été soupçonné d’avoir versé de l'azoture de sodium dans la bouilloire utilisée par des chercheurs pour préparer leur café. Il a été mis en examen pour empoisonnement avec préméditation. Par chance, ses anciens collègues ont juste été pris de vomissements et de maux de tête. Pour expliquer son geste, l’intéressé aurait déclaré que son stage s’était « mal passé », selon ses déclarations révélées par Le Parisien.
La poursuite en justice
Outre ce geste extrême, les stagiaires ont de plus en plus d’armes juridiques pour empoisonner la vie des managers négligents. « La plupart des contentieux portent sur la notion de contrat de travail, explique Marijke Granier-Guillemarre, avocate spécialiste en droit social. Le statut de stagiaire est aujourd’hui bien encadré, par rapport à ce que beaucoup de managers ont connu. Il y a une date limite de 6 mois, il faut faire attention aux critères de formation et de pédagogie exigés avec un vrai maître de stage. Et surtout, il ne faut surtout pas se servir d’un stagiaire pour faire le travail d’un autre salarié, en congé, par exemple. »
Parmi les cas de jurisprudence emblématiques, l’avocate cite la procédure à Bordeaux (résumée ici) d’un ex-stagiaire contre une agence de travail temporaire. « En fait, ce stagiaire remplaçait une responsable en congé maternité. Il signait des devis et utilisait même de son véhicule de fonction ! Il n’avait bénéficié d’aucune formation et clairement la convention de stage avait été détournée de sa fonction. » Coût pour l’entreprise : une requalification en CDI, avec un rappel de salaire et des dommages et intérêts pour licenciement abusif en fin de "stage".
Droit de saisir l’inspection du travail
Les stagiaires "mal traités" ont aussi le droit de se faire entendre, lorsque leur convention (écrite et obligatoire pour faire un stage), n’est pas respectée. « Celle-ci qui prévoit une formation effective, le versement d'une indemnité, des conditions de repos, le remboursement de leurs transports et l’accès aux cantines de l'entreprise ou à des tickets restaurant, rappelle Eric Rocheblave, spécialiste en droit social et droit du travail. Dès lors qu’ils sont dans l’entreprise, les stagiaires sont protégés contre toute mauvaise condition de travail mais aussi contre le harcèlement, poursuit l’avocat. On se dit souvent que le stagiaire est un jeune travailleur qui ne fait pas de vague et qui veut avant tout s’insérer dans la vie professionnelle. Ce n’est pas faux, mais même si sa priorité n’est pas de saisir les prud’hommes, des stagiaires mécontents ou témoins d’irrégularités peuvent facilement se rapprocher de l'inspection du travail pour signaler des abus. »
La possibilité de nuire à l’image de l’entreprise
Comme vous, les stagiaires ont des yeux... et des oreilles. Et parfois même accès à des informations stratégiques comme l’avait illustré l’affaire de l’ "espionne de Valéo". En 2005, le tuteur de Li Li s'aperçoit que les plans des pièces automobiles en construction ont disparu de l’ordinateur de sa stagiaire. L’étudiante chinoise, diplômée de l'université de technologie de Compiègne (UTC), prétexte un « manque de place » sur son ordinateur et explique qu'elle a sauvegardé plusieurs fichiers chez elle. Elle a également téléchargé des données confidentielles sur le réseau interne de l’entreprise.
Il n’en faudra pas plus pour soupçonner la jeune stagiaire d’espionnage industriel. L’équipementier porte plainte et la jeune femme est mise en examen pour abus de confiance et accès frauduleux à un système informatique. Deux ans plus tard, Li Li est condamnée à un an de prison dont deux mois ferme. Si l’accusée apparaît davantage comme une stagiaire maladroite qu’une véritable espionne, Valéo déplore l’atteinte portée à son image de marque pendant cette affaire rocambolesque.
Et le droit de ne pas revenir…
Enfin, le stagiaire est un futur employé potentiel. Dans des secteurs où il est difficile de recruter, bien le traiter est une bonne occasion de séduire un jeune diplômé prometteur. Ou de saboter sa marque employeur…
