Comment changer de convention collective ?

Josée Pluchet

Une convention collective est un accord conclu entre représentants d’employeurs et représentants de salariés, regroupant des règles collectives de travail (conditions d’emploi, formation professionnelle, garanties sociales...) applicables dans les entreprises dépendant d’un secteur d’activité donné. Ces règles s’articulent alors avec celles du code du travail. Mais il arrive que l’activité d’une entreprise évolue ou que son statut juridique change, et que la convention collective devienne inadaptée. L’entreprise est-elle libre de changer de convention collective ? Quelles sont les formalités à accomplir ? À quelles règles sont alors soumis les salariés ? Les réponses de Cadremploi.
Comment changer de convention collective ?

Pourquoi changer de convention collective ?

La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur (article L 2261-2 du Code du travail). Elle complète ou adapte les dispositions du Code du travail, en fonction des spécificités de l’activité professionnelle concernée.

Si l’entreprise fait partie d’une organisation signataire d’une convention, elle est obligée d’appliquer cette convention.

Mais plusieurs circonstances peuvent amener un employeur à changer de convention collective :

  • lorsque la convention collective actuelle fait l’objet d’une application volontaire (du fait d’un usage d’entreprise par exemple) ;
  • en présence d’une erreur d’immatriculation ;
  • en cas de transfert du siège social de l’entreprise dans un autre département (pour une convention collective s’appliquant territorialement) ;
  • en cas de modification juridique de l’employer : fusion avec une autre société, cession ou scission d’entreprise ;
  • en cas de changement d’activité principale.

En cas d’application d’une convention collective erronée, on parlera de dénonciation de la convention collective (à l’initiative d’un seul, de plusieurs, ou de tous les signataires de l’accord).

En cas de changement de statut juridique ou d’activité principale, on parlera de mise en cause de la convention collective.

Bon à savoir : la dénonciation de convention collective ne concerne que les conventions collectives à durée indéterminée (la convention à durée déterminée reste applicable jusqu’à son terme).

Quelle est la procédure à suivre pour changer de convention collective ?

Pour que le changement de convention collective soit opposable aux différentes parties concernées, la procédure de dénonciation ou de mise en cause doit être suivie de manière rigoureuse par l’employeur.

La procédure à suivre pour changer de convention collective se compose de six étapes :

  1. L’employeur doit d’abord procéder à la notification de la dénonciation aux autres signataires de la convention (article L 2261-9 alinéa 3 du Code du travail), c’est-à-dire aux organisations syndicales représentatives de salariés, organisations syndicales ou associations d'employeurs ou des employeurs pris individuellement.
  2. Le cas échéant, il doit ensuite demander un nouveau code APE (pour Activité Principale Exercée) auprès de l’INSEE. Ce code permet d’identifier les conventions applicables à tel ou tel type d’activité.
  3. L’employeur dépose une déclaration de dénonciation à la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception (pour se ménager une preuve du respect de cette formalité). La DREETS compétente est celle du lieu de conclusion de la convention dénoncée.
    Un exemplaire est ensuite remis au greffe du conseil de prud’hommes du lieu de conclusion de la convention dénoncée.
  4. La notification de la dénonciation fait courir un délai de préavis. L’employeur doit en effet respecter le délai de préavis prévu dans l’ancienne convention collective (article L 2222-6 du code du travail). À défaut de disposition conventionnelle, le préavis est de 3 mois (article L 2261-9 du Code du travail).
  5. L’employeur doit ensuite procéder à la notification au comité social et économique (CSE) de la dénonciation de convention collective. Les représentants du personnel émettent un avis, qui ne lie pas l’employeur.
  6. L’employeur informe enfin individuellement chaque salarié du changement de convention collective applicable, dans un délai raisonnable, et ce par tout moyen (réunion du personnel, courriers individuels, ...). Si la convention collective est mentionnée dans le contrat de travail, un avenant signé du salarié sera nécessaire.
    En parallèle, l’employeur devra organiser la négociation d’un accord de substitution.

En cas de dénonciation, cette négociation s’engage à la demande d’une des parties intéressées dans les trois mois qui suivent le début du préavis. L’accord de substitution peut être conclu avant l'expiration du délai de préavis.

En cas de mise en cause, l’employeur doit engager des négociations en vue de mettre en place un accord de substitution dans l'entreprise concernée dans les trois mois suivant la mise en cause, soit pour l'adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l'élaboration de nouvelles stipulations (article L 2261-14 dernier alinéa du Code du travail).

Comment se passe la transition lorsque l'on change de convention collective ?

Pour changer de convention collective, la transition de l'ancienne à la nouvelle version s'effectue avec un préavis de 3 mois.

Pendant tout le délai de préavis, l’ancienne convention collective s’applique à tous les salariés de l’entreprise (y compris les salariés embauchés après la dénonciation).

A l’issu de la période de préavis et à défaut d’accord de substitution, va débuter une durée de « survie » de l’ancienne convention, pour une durée maximale de 12 mois.

Survie temporaire de l’ancienne convention collective

L’ancienne convention collective continue de produire effet pendant une période de survie qui court jusqu’à la conclusion d’une convention de substitution, et au maximum jusqu’au terme d’un délai de 12 mois après le préavis de 3 mois (soit une période de 15 mois au total). L’article L 2261-11 du Code du travail dispose qu’il est possible de prévoir une durée déterminée supérieure.

De plus, si une nouvelle convention est applicable du fait du changement d’employeur ou du changement d’activité, les salariés peuvent s’en prévaloir à compter de la date de mise en cause de l’ancienne convention (changement d’employeur ou d’activité).

Ainsi, les deux conventions peuvent s’appliquer concurremment. Sur chaque point, ce sont les dispositions les plus favorables aux salariés qui trouveront application.

Bon à savoir : à l’issue d’une cession d’entreprise ou d’entité, seul le salarié transféré bénéficie de la survie de l’ancienne convention (Cour de cassation, chambre sociale, 16 mars 1999, n° 96-45.353), et non les salariés de l’entreprise absorbante (CJCE, 17 déc. 1987, affaire 287/86).

Après la période de survie, la garantie de rémunération

Depuis la loi Travail du 8 août 2016, à l’issue de la période de survie, et à défaut d’accord de substitution, les salariés bénéficient « d'une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l'accord dénoncé et du contrat de travail, lors des douze derniers mois » (article L 2261-14 du code du travail).

Cette garantie de rémunération peut également être assurée par le versement d’une indemnité différentielle dont le montant est égal à la différence entre la rémunération qui était due au salarié en vertu de l’accord dénoncé, et la rémunération due au salarié après cette dénonciation.

Le maintien de la rémunération après avoir changer de convention collective concerne deux situations :

  • lorsque la convention dénoncée n’a pas été remplacée dans un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis ;
  • lorsque la convention mise en cause n’a pas été remplacée par une nouvelle convention dans ce même délai.

Cas particulier de l’application d’une convention erronée

Il arrive qu’une entreprise applique une convention collective erronée, notamment suite à une erreur d’immatriculation et de code APE.

Dans ce cas, les salariés sont en droit de demander l’application de la convention collective adaptée, rétroactivement, à compter de la création de l’entreprise. Ainsi, par exemple, ils pourront obtenir un rappel de salaires (dans la limite de la prescription de 3 ans), voire des dommages et intérêts en cas de préjudice démontré (privation de garanties sociales par exemple).

L’ancienne convention collective devra être dénoncée selon la procédure vue ci-dessus.

Josée Pluchet
Josée Pluchet

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.

Vous aimerez aussi :