Attention à l'abus d'anglais

L'équipe de Cadremploi

Vos réunions se déroulent en anglais et vous reportez en anglais ? Idem pour les mémos, les mails et les consignes que vous transmettez à vos collaborateurs. Normal, vous travaillez dans une multinationale et la langue de Shakespeare est imposée pour que les collaborateurs puissent se comprendre. Certes, mais vous travaillez en France et une décision de justice toute récente pourrait bien amener nombre de sociétés anglophones à réviser quelque peu leurs pratiques.

 

Le retour de la loi


C'est que la loi « Toubon » de 1994 ressurgit là où on ne l'attendait pas. Le texte (1) de celui qui était alors ministre de la Culture et qui entendait voler au secours de la langue française revient aujourd'hui par le biais des entreprises. Et plus précisément au désavantage de la filiale française d'un grand groupe américain, l'obligeant, par un jugement du 2 mars dernier, à payer une lourde amende et à traduire des documents internes jusque-là édités exclusivement en anglais.
Pour obtenir ce résultat, les salariés de l'antenne française du groupe américain spécialisé en matériel médical ont dû en passer par les arcanes complexes du droit français, après avoir épuisé tous les recours internes. Car les représentants du personnel réclamaient sans succès ces traductions à leur direction depuis 1998. Pour légitimer leur demande, les représentants du personnel ont argué du fait que le manque de VF de certains documents posait des problèmes de sécurité. L'entreprise installe en France notamment du matériel de radiologie utilisant des rayons x dont les consignes de mise à jour et de réglages sont en anglais. Même les techniciens ayant appris à parler anglais ont reconnu que leur maîtrise de l'anglais technique n'était pas parfaite. Et qu'il suffisait d'une incompréhension pour, entre autres exemples, se tromper de réglage et envoyer trop de rayons x aux patients.

 

Une amende record


Las du mutisme de la direction face à leur demande, le comité d'entreprise, aidé du CHSCT (comité hygiène, sécurité et conditions de travail) et des représentants des syndicats ont porté plainte au tribunal, au nom des 2 000 salariés français du groupe, en juin 2004. Le jugement de première instance est tombé un an plus tard : le groupe était condamné à verser 1,16 million d'euros d'amende et à traduire sur le champ 58 documents internes, sous peine d'une astreinte de 20 000 euros par jour de retard. Evidemment, devant le montant de l'amende exigée, le groupe américain a porté l'affaire en appel.

Des filiales en danger


Car, selon les avocats du groupe, les documents reçus de l'étranger ou s'adressant aux étrangers en France ne sont pas concernés par la loi. Il ne serait donc pas obligatoire de traduire ceux émanant du siège américain de l'entreprise. Jugement des juges de la cour d'Appel de Versailles tombé le 2 mars dernier : ils confirment l'obligation de traduire tous les documents techniques, quelle que soit leur origine, portant sur tous les produits présents sur le marché français. En revanche, l'entreprise ne devra verser « que » 570 000 euros à l'Etat français. Mais les traductions exigées en première instance le sont toujours.
L'entreprise n'a pas encore décidé si oui, ou non, elle se pourvoyait en cassation. Sa valse hésitation est compréhensible. Car le risque est grand : si l'avis des premiers juges est confirmé par leurs pairs, il fera jurisprudence. Nul doute que nombre de filiales françaises d'entreprises internationales et même de sociétés franco-françaises à vocation transfrontières sont suspendues à leur décision, qui pourraient rendre la traduction de toute leur littérature obligatoire.

(1) article L122-39-1 du code du travail précise que « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français ».

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