Cadre dirigeant : le statut qui peut faire mal

Josée Pluchet

Cadre technique, cadre commercial, cadre supérieur, chef de projet... la notion de cadre recouvre des métiers très différents. Lorsqu’il a le statut de « dirigeant », le cadre bénéficie d’un régime particulier, qui déroge au doit commun du travail. Ce régime présente des avantages certains... qui doivent être mis en balance avec des contraintes qu’il convient de ne pas sous-estimer. Quelle est la définition du cadre dirigeant ? De quels avantages bénéficie-t-il en termes d’horaires, de salaires ? Quels sont les inconvénients de ce statut ? Grandes responsabilités, autonomie totale, salaire attractif… Le statut de cadre dirigeant a de quoi faire rêver. Mais il y a un revers à la médaille qu’il vaut mieux connaître.
Cadre dirigeant : le statut qui peut faire mal

Qu’est-ce qu’un cadre dirigeant ?

Dans la catégorie des cadres, il est important de distinguer le cadre du cadre dirigeant. N'hésitez pas à lire notre article Qu'est-ce qu'un cadre ? pour approfondir la définition du cadre.

À lire aussi >> Qu'est-ce qu'un cadre supérieur ?

Cadre dirigeant : la définition légale

Le Code du travail définit le cadre dirigeant à l'article L3111-2 « cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ».

La loi prévoit 3 critères cumulatifs, qui définissent le cadre dirigeant :

  • des responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps ;
  • une prise de décision largement autonome ;
  • une rémunération parmi les plus élevées de l’entreprise.

À noter : la taille de l’entreprise n’est pas un critère définissant le cadre dirigeant. Une petite entreprise peut avoir plusieurs cadres dirigeants.

Cadre dirigeant : la définition jurisprudentielle

La Cour de cassation applique strictement les 3 critères légaux, et en a tiré une conséquence (arrêt du 15 juin 2016, n°15-12894) : la qualité de cadre dirigeant implique une « participation à la direction de l’entreprise ».

Il ne s’agit pas d’un critère distinct qui s’ajoute aux 3 critères légaux, mais d’une conséquence de l’application stricte de ces 3 critères. La Cour de cassation entend en effet limiter la qualification de cadre dirigeant, dont les employeurs ont tendance à abuser, aux situations dans lesquelles le salarié participe effectivement à la prise de décisions stratégiques pour l’entreprise.

En clair, pour être cadre dirigeant, il faut diriger.

Participer aux instances dirigeantes d’une entreprise est un indice de la qualité de cadre dirigeant. Sont souvent cadres dirigeants les salariés gérants, ou faisant partie du conseil d’administration, du comité de direction (Codir), du comité exécutif (Comex) ou du conseil de surveillance : le président directeur général (PDG), le directeur général (DG), le directeur financier, le directeur des ressources humaines et le directeur de la communication.

Bon à savoir : certaines conventions collectives prévoient que le statut de cadre dirigeant doit figurer par écrit dans le contrat de travail du salarié. Dans ce cas, la formalisation écrite est une condition supplémentaire à l’application du statut du cadre dirigeant.

Le contrôle de la notion de cadre dirigeant par le juge

Le juge apprécie souverainement la qualité du salarié en fonction des critères ci-dessus, en analysant les conditions réelles d’emploi du salarié.

Les salariés dont les fonctions répondent à l’ensemble de ces critères sont en réalité peu nombreux. Il ne suffit pas de qualifier le cadre de « dirigeant » dans son contrat de travail ou sa fiche de poste pour en faire un cadre dirigeant.

Quel salaire pour un cadre dirigeant ?

Par définition, selon l’article L3111-2 du Code du travail, la rémunération du cadre dirigeant se situe dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération de l’entreprise.

Aucun seuil chiffré, donc. Le salaire du cadre dirigeant se situe en haut de l’échelle des salaires (cadres compris). Mais son montant dépend de l’entreprise, et des grilles de salaires prévues dans la convention collective applicable. Cette rémunération peut atteindre quelques centaines de milliers d’euros (bonus et stock-options compris). Mais les salaires de la plupart des dirigeants des PME sont très loin de ceux-là.

De plus, le salaire versé doit être rapporté au temps de travail effectué. Un cadre dirigeant qui travaille énormément peut avoir un salaire horaire inférieur à un cadre normal qui travaille 35 heures...

Bon à savoir : le salaire net moyen d’un cadre dirigeant d’entreprise s’élève à 102 700 euros nets annuels en 2015 selon l'Insee.

Un titre de cadre dirigeant prestigieux... et des responsabilités en conséquence

Par définition, le cadre dirigeant occupe un poste de direction. Dans la mesure où il est dans le haut de l’échelle hiérarchique, il a moins de comptes à rendre à des supérieurs.

L’autonomie du salarié implique que si le cadre dirigeant peut se voir imposer des objectifs, il ne peut pas recevoir des consignes concernant son organisation ou son temps de travail (Cass. ch. soc., 30 nov. 2011, n°09-67798).

Mais si ce pouvoir est alléchant, il est accompagné de lourdes responsabilités : le cadre dirigeant participe aux décisions portant sur les orientations de l’entreprise, sur la politique économique, sociale et financière de l’entreprise.

Cette responsabilité est la même si ce pouvoir est obtenu dans le cadre d’une délégation de pouvoirs ou si les fonctions sont exercées à titre provisoire (ainsi durant l’absence du PDG de l’entreprise - cf. Cass. ch. soc., 19 mai 2009, n°08-40.609).

Horaires et temps de travail du cadre dirigeant : avantage ou inconvénient ?

L’encadrement du temps de travail du cadre dirigeant est très souple. Il n’est pas contrôlé sur les horaires effectués, et bénéficie ainsi d’une grande liberté.

Cette souplesse est contrebalancée par certains inconvénients. En effet, la qualité de cadre dirigeant est exclusive de la législation protectrice sur la durée du travail (Cass. ch. soc., 7 sept. 2017, n°15-24725). Le cadre dirigeant n’a pas d’horaire de travail…et peut donc être amené à travailler le soir et le week-end. Il en résulte les conséquences suivantes (sauf disposition contractuelle ou conventionnelle plus favorable) :

  • pas d’heures supplémentaires rémunérées ;
  • pas de forfait jours : le cadre dirigeant ne peut pas conclure une convention de forfaits ;
  • pas de paiement des astreintes ;
  • pas de jours de RTT ;
  • pas de durée de travail maximale (hebdomadaire ou mensuelle) ;
  • pas de repos hebdomadaire et quotidien ;
  • pas de jours fériés ;
  • pas de règles protectrices en cas de travail de nuit.

Du fait de ses responsabilités, la charge de travail du cadre dirigeant l’amène à connaître un temps de travail très important. Ne pas avoir d’horaires devient alors un inconvénient majeur.

Le cadre dirigeant bénéficie néanmoins de congés payés, du congé maternité ou paternité, des congés pour évènements familiaux, et dispose le plus souvent d’un compte épargne-temps (CET).

Rupture du contrat de travail du cadre dirigeant

La rupture du contrat de travail du cadre dirigeant est rarement contentieuse ; elle fait souvent l’objet d’une négociation. En effet, l’entreprise n’a pas intérêt à rendre publique le départ de son cadre dirigeant, ni les raisons et conditions de ce départ. Ainsi, en général, la rupture du contrat fait l’objet d’une transaction, le montant des indemnités de départ étant négociées par les avocats respectifs des parties.

Si la rupture du contrat de travail est contentieuse, le conflit se noue en général autour de la qualité de cadre dirigeant. Le salarié voudra démontrer que le statut de cadre dirigeant lui a été appliqué alors que les critères n’étaient pas remplis. Si les juges lui font droit, le salarié pourra obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées (rétroactivement sur 3 ans), voire des dommages et intérêts compensateurs du repos non accordé.

Josée Pluchet
Josée Pluchet

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.

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