- Qu’est-ce qu’une prise d’acte ?
- Quelles fautes graves peuvent être reprochées à l’employeur ?
- Comment faire une prise d'acte ?
- Combien de temps dure une prise d’acte ?
- Quels sont les effets de la prise d’acte ?
- A-t-on le droit au chômage après une prise d'acte ?
- Quelles indemnités ne sont pas allouées en cas de prise d'acte injustifiée ?
- Combien de temps pour retravailler après une prise d'acte ?
Qu’est-ce qu’une prise d’acte ?
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est née de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42.335) puis a été insérée dans le Code du travail par la loi n° 2014-743 du 1er juillet 2014.
Définition de la prise d’acte
La prise d’acte peut être définie comme la volonté, pour un salarié, de rompre immédiatement son contrat de travail pour des faits suffisamment graves qu’il reproche à son employeur. Il appartient ensuite au Conseil de prud’hommes, juridiction compétente en la matière, de justifier ou non la prise d’acte.
Elle est donc un mode de rupture du contrat de travail :
- A l’initiative du salarié ;
- Sanctionnant une faute grave de l’employeur ;
- Qui produit des effets immédiats ;
- Devant ensuite être validée par le Conseil de prud’hommes.
Ce mode de rupture du contrat de travail trouve son fondement dans les articles 1224 et suivants du Code civil qui permettent à l’un des cocontractants de mettre fin à une relation contractuelle si l’autre ne respecte pas ses engagements. La prise d’acte figure à l’article L. 1451-1 du Code du travail : “Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine”.
La prise d’acte concerne tous les salariés, en CDD ou en CDI, même titulaires d’un mandat représentatif.
Bon à savoir : il ne peut y avoir de prise d’acte en période d’essai, où la relation contractuelle peut prendre fin simplement à l’initiative de l’employeur ou du salarié (Cass., ch. soc., 7 févr. 2012, n° 10-27525).
Quelle est la différence entre la prise d’acte et le licenciement ?
La prise d’acte est à l’initiative du salarié, tandis que le licenciement est à l’initiative de l’employeur.
À noter : une procédure de licenciement entamée après la prise d’acte serait nulle.
Quelle est la différence entre la prise d’acte et la rupture conventionnelle ?
La prise d’acte est un mode de rupture non-consensuel. Par essence, elle implique un défaut d’accord entre le salarié et son employeur. À l’inverse, la rupture conventionnelle suppose une volonté commune de mettre fin au contrat de travail.
Quelle est la différence entre la prise d'acte et la résiliation judiciaire ?
La résiliation judiciaire permet au salarié de saisir le Conseil de prud’hommes d’une demande de rupture du contrat de travail lorsque son employeur manque gravement à ses obligations contractuelles. Le salarié demandeur doit poursuivre son travail tant que la juridiction n’a pas rendu sa décision. Soit le juge fait droit à sa demande et la relation contractuelle prend fin au jour de la décision, soit le juge n’y fait pas droit et le contrat de travail se poursuit.
Dans le cadre d’une prise d’acte, le contrat est immédiatement et définitivement rompu au jour de la prise d’acte.
Quelle est la différence entre la prise d’acte et la démission ?
La démission, à l’initiative du salarié, n’exige aucune justification d’un quelconque tort de l’employeur. À l’inverse, lors d’une prise d’acte du contrat de travail, le salarié doit lister les faits graves reprochés à l'employeur.
À noter : une démission peut être requalifiée en prise d’acte si des torts de l’employeur sont démontrés (Cass., ch. soc., 30 oct. 2007, n°06-43327).
Quelles fautes graves peuvent être reprochées à l’employeur ?
Pour être considérée comme légitime, la prise d’acte suppose la commission d’actes suffisamment graves par l’employeur. Le Code du travail, dans son article L1451-1, ne définit pas la gravité. Il se contente de mentionner : des “faits que celui-ci [le salarié] reproche à son employeur”.
Pour avoir un aperçu des fautes graves pouvant être légitimement reprochées à l'employeur, et pouvant justifier une prise d’acte régulière de la rupture du contrat de travail, il faut se tourner vers la jurisprudence.
Le Conseil de prud’hommes apprécie au cas par cas les faits reprochés par le salarié à l’employeur. Pour justifier la prise d’acte, ils doivent réellement avoir eu lieu et être suffisamment graves.
Par exemple, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est justifiée dans les cas suivants :
- Une modification unilatérale de la rémunération du salarié (Cass. soc., 18 janvier 2012, n° 10-23.332). L’employeur commet une faute grave car il manque à son obligation de paiement du salaire.
- Le non-paiement d’heures supplémentaires régulièrement effectuées (Cass. soc., 16 mars 2011, n° 08-42.218). L’employeur commet une faute grave car il manque à son obligation de paiement du salaire.
- Le retrait injustifié d’un véhicule de fonction (Cass. soc., 16 décembre 2015, n° 14-19.794). L’employeur commet une faute grave car il modifie unilatéralement le contrat de travail de son salarié.
- Des violences physiques ou morales exercées par un salarié sur un autre salarié (Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-15.133). L’employeur commet une faute grave car il manque à son obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés.
- Un harcèlement moral du supérieur hiérarchique direct (Cass. soc., 12 juin 2014, n° 13-13.951). L’employeur commet une faute grave car il manque à son obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés.
À l’inverse, ne constituent pas une faute suffisamment grave légitimant une prise d’acte :
- Le non-paiement réitéré par l'employeur d'un élément de la rémunération contractuelle puis régularisé avant la prise d’acte (Cass. soc., 21 avril 2017, n° 15-19.353).
- Un retard dans le versement des salaires lorsque ce dernier s’explique par le retard dans le versement à l'employeur de subventions (Cass. soc., 26 septembre 2012, n° 10-28.242).
Comment faire une prise d'acte ?
Pour faire une prise d’acte, plusieurs étapes chronologiques doivent être réalisées par le salarié.
Le salarié expose les fautes graves qu’il reproche à l’employeur
Le salarié peut lister les faits fautifs reprochés par oral ou par écrit. Il peut aussi le faire par l’intermédiaire d’un avocat.
Bon à savoir : l’écrit est le seul moyen de vous constituer une preuve en justice. Nous ne pouvons que vous conseiller de faire votre prise d’acte en rédigeant un courrier recommandé avec accusé de réception.
Comment rédiger une prise d'acte ?
Nous vous proposons ci-dessous un modèle de lettre de prise d’acte de la rupture du contrat de travail.
Le salarié quitte immédiatement l’entreprise
La prise d’acte est à effet immédiat. Concrètement, dès que l’employeur prend connaissance des faits qui lui sont reprochés, le salarié peut quitter l’entreprise.
Le salarié n’est pas tenu de respecter un préavis de départ.
Le salarié saisit le Conseil de prud’hommes
Le salarié saisit le Conseil de prud’hommes afin de voir les faits reprochés qualifiés de graves. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des fautes de l’employeur.
La juridiction apprécie les faits qui lui sont rapportés. Deux issues sont envisageables :
- Le Conseil de prud’hommes considère les faits reprochés à l’employeur suffisamment graves. La prise d’acte est justifiée. Elle produit les effets d’un licenciement.
- Le Conseil de prud'hommes considère que l’employeur n’a pas commis de faute. La prise d’acte n’est pas justifiée. Elle produit les effets d’une démission.
Pour gagner une prise d’acte, l’employeur doit avoir réellement commis des faits graves.
Combien de temps dure une prise d’acte ?
La prise d’acte produit des effets immédiats dès que les faits reprochés sont portés à la connaissance de l’employeur.
Ensuite, le salarié doit saisir le Conseil de prud’hommes. Il dispose d’un an maximum pour le faire, à compter de la notification de la rupture (article L1471-1 du Code du travail).
Lorsque le Conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine (article L1451-1 du Code du travail).
Au final, une prise d’acte est plus ou moins rapide selon le temps que le salarié met pour informer l’employeur des faits fautifs reprochés, puis pour saisir le Conseil de prud’hommes.
Quels sont les effets de la prise d’acte ?
La prise d’acte emporte des effets à plus ou moins long terme.
Les effets immédiats de la prise d’acte : une rupture rapide et immédiate du contrat de travail
La prise d’acte emporte une cessation immédiate du travail. Le salarié quitte l’entreprise sans préavis de départ (Cass., ch. soc., 26 mai 2010, n° 08-70.253).
L’employeur remet au salarié :
- Un certificat de travail.
- L’attestation Pôle emploi mentionnant « Prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié » sur la ligne « Autre motif ».
- Le solde de tout compte.
La cessation du travail est définitive : il n’y a pas de rétractation possible. Un salarié ne peut pas demander après coup sa réintégration dans l’entreprise (Cass., ch. soc., 9 mai 2013, n°12-15.974).
Les effets d’une prise d’acte justifiée : un licenciement ou une démission
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement si les faits invoqués le justifient.
Le licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul
Si le salarié parvient à démontrer des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle, la prise d’acte est justifiée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié percevra alors :
- l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- l’indemnité compensatrice de préavis ;
- l’indemnité compensatrice de congés payés ;
- des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si la prise d’acte entraîne les effets d’un licenciement nul (par exemple, pour des faits de discrimination, de harcèlement ou pour un salarié protégé), le salarié percevra :
- l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- l’indemnité compensatrice de préavis ;
- l’indemnité compensatrice de congés payés ;
- des dommages et intérêts pour licenciement nul : dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des 6 derniers mois (article L. 1235-11 du Code du travail).
La démission
Faute de manquement grave de son employeur, le salarié est considéré démissionnaire par le juge (Cass., ch. soc.,30 mars 2010, n° 08-44.236). La prise d'acte injustifiée produit les effets d'une démission.
Dans ce cas, le salarié perçoit uniquement l’indemnité compensatrice de congés payés.
Le salarié peut être amené à verser à son employeur :
- des dommages et intérêts si la rupture est considérée abusive (article L. 1237-2 du Code du travail) ;
- une indemnité compensatrice de préavis pour le préavis non effectué ;
- la somme éventuellement prévue en cas de clause de dédit-formation.
A-t-on le droit au chômage après une prise d'acte ?
Après une prise d’acte régulière, le salarié peut bénéficier de l'allocation chômage (ARE) auprès de Pôle emploi.
Attention, il ne percevra les indemnités chômage qu’à compter de la décision du Conseil de prud’hommes.
À noter : la prise d’acte emporte nécessairement une période où le salarié ne sera pas payé.
Quelles indemnités ne sont pas allouées en cas de prise d'acte injustifiée ?
La prise d’acte injustifiée par le Conseil de prud’hommes emporte les effets d’une démission.
Par conséquent, le salarié est privé des indemnités légales et conventionnelles de licenciement. Mais également des allocations chômage puisque ce type de démission n’est pas considéré comme un cas de démission légitime.
Combien de temps pour retravailler après une prise d'acte ?
Le salarié peut retravailler immédiatement après la prise d’acte (pour un exemple Cass. soc., 21 novembre 2012, n° 10-17.978).
La légitimité d'une prise d'acte ne s'apprécie qu'au regard des faits évoqués par le salarié et non au regard de l'emploi trouvé postérieurement.
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