Comment maitriser son e-réputation ?

Josée Pluchet

On parle de e-réputation, de web-réputation, de réputation numérique, ou de cyber-réputation... il s’agit en réalité de l’opinion commune qui peut être faite de vous en surfant sur internet. Quelles sont les informations qu’un internaute peut collecter sur vous en cliquant sur son ordinateur ? La réponse à cette question a une réelle importance, car dans le milieu professionnel, il arrive souvent que le premier contact avec un collaborateur, un salarié, un client... soit faite via un moteur de recherche. À tel point que des entreprises proposent des audits de e-réputation, pour conseiller, consolider ou protéger l’image numérique d’une personne. Voici les conseils de Cadremploi pour maîtriser votre e-réputation.
Comment maitriser son e-réputation ?

Zoom sur la réputation numérique

Qu’est-ce que l’e-réputation ?

Votre e-réputation, ou réputation sur le net, dépend de deux facteurs :

  • L’image qui est donnée de vous, positive ou négative, favorable ou défavorable, selon le contenu des informations présentes sur internet ;
  • La visibilité de cette image, qui dépend du volume d’exposition sur la toile.

Selon votre tempérament et votre situation, vous pouvez souhaiter avoir une réputation favorable et non-visible, ou favorable et visible... En tous les cas, il conviendra d’éviter une réputation néfaste, surtout si elle est visible !

À partir d’un nom et d’un prénom, une simple « googlisation » permet d’accéder à des données professionnelles ou personnelles qui font de vous un cyber-personnage.

Ces données peuvent se trouver sur des réseaux sociaux, des blogs, des sites institutionnels et médiatiques des sites collaboratifs, des forums de discussion ou plate-formes de partage d’images et de vidéos...

L’image numérique ainsi obtenue peut orienter favorablement ou non une opinion, et une décision (projet d’embauche, signature d’un contrat,...). C’est pour cette raison que les employeurs consultent régulièrement internet afin de se renseigner sur le profil de candidats à l’embauche ou d’employés.

Pourquoi maîtriser sa notoriété numérique dans le monde professionnel ?

La question de l’e-réputation peut intervenir à divers moments de la vie professionnelle.

Au moment de l’embauche, les recruteurs vont vérifier sur internet les informations concernant le candidat. Il est donc essentiel de contrôler sa réputation sur le web lors e la recherche d’un emploi.

Mais au-delà de ce moment-clé du recrutement, l’e-réputation doit être maîtriser tout au long d’une carrière professionnelle. Une bonne image sur internet permet de déclencher de nouvelles opportunités, de mettre en avant une expertise, d’augmenter la confiance d’un client, d’attirer à soi de nouveaux talents et de nouvelles compétences...

>> lire aussi : Qu'est-ce que l'image de marque ?

Conseil n°1 : Contrôler régulièrement son e-réputation

On trouve certainement sur internet des références à votre activité professionnelle, mais aussi à vos activités privées... que vous n’assumez pas forcément face à un employeur ou à un client ! Sans compter sur les données ou commentaires déposés par des tiers et vous concernant. Si la suppression des données « néfastes » n’est pas demandée explicitement, elles resteront indéfiniment sur la toile.

D’où l’intérêt d’exercer une veille régulière et efficace, suivie d’une réaction rapide.

Pour cela, la solution la plus simple est de « googliser » vous-même votre nom, puis d’ouvrir les pages dans lesquelles votre nom apparaît. Il est également possible de créer une « google alert » à votre nom, qui vous avertira de nouvelles références sur internet. Enfin, des entreprises spécialisées peuvent exercer ce contrôle, afin de vous aider à maîtriser votre e-réputation.

Pour pouvoir demander la suppression d’une information, vous devrez identifier le site « source » sur lequel l’information a été postée la première fois, puis demander des mises à jour aux sites ayant utilisé l’information d’origine.

Conseil n° 2 : Supprimer des données personnelles grâce au droit à l’oubli

Le droit à l’oubli, ou droit à l’effacement a été consacré au niveau de l’Union européenne à l’article 17 du Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, dit Règlement général sur la protection des donnée sou RGPD, entré en vigueur le 25 mai 2018. Il a été repris à l’article 51 de la loi informatiques et libertés n°78-17 du 6 janvier 1978.

On parle de « données à caractère personnel», pour désigner « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable », c’est-à-dire « qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu'un nom, un numéro d'identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».

Quand peut-on exercer son droit à l’oubli pour protéger son e-réputation ?

Le droit à l’effacement permet à un individu de demander à l’éditeur d’un site d’effacer ses données à caractère personnel, dans les situations suivantes :

  • les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées ;
  • la personne concernée retire le consentement sur lequel est fondé le traitement et il n'existe pas d'autre fondement juridique au traitement;
  • la personne concernée s'oppose au traitement et il n'existe pas de motif légitime impérieux pour le traitement ;
  • les données à caractère personnel ont fait l'objet d'un traitement illicite ;
  • les données à caractère personnel doivent être effacées pour respecter une obligation légale.

Néanmoins, le responsable du traitement peut refuser l’effacement si ces données sont nécessaires à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information, au respect d’une obligation légale, à l’exécution d’une mission de service public, pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique, ...

Bon à savoir : même si vous effacez vous-même une photo peu valorisante ou un commentaire néfaste qui nuit à votre réputation, le site conserve des copies des documents qui transitent par son biais.

Comment mettre en œuvre son droit à l’effacement ?

Vous trouverez toute la marche à suivre sur le site de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés).

Il convient d’abord d’identifier le responsable du traitement de chaque site concerné. L’identité et les coordonnées de ce dernier se trouvent en général dans l’onglet « mentions légales » ou « informations légales ».  On peut retrouver les coordonnées d’un site en consultant la base de données publique Whois sur le site de l’AFNIC (Association française pour le nommage Internet en coopération).

Il faut ensuite contacter ce responsable du traitement du site, auteur du contenu, grâce au formulaire fourni sur le site, ou par courrier. La demande de suppression doit contenir les motifs légitimes qui la fondent (atteinte à la vie privée et à la réputation, diffamation, concurrence déloyale, ...). Il faut avoir en mémoire qu’en vous inscrivant sur certains sites comme les réseaux sociaux, vous autorisez par contrat Facebook et autres Twitter à utiliser vos données.

Le site a un mois pour répondre (en supprimant la donnée ou en refusant la suppression). Notez que votre motif est apprécié discrétionnairement par le responsable du traitement.

La même demande peut ensuite être adressée à l’hébergeur du site.

À défaut de réponse, ou en cas de refus d’effacement, il est possible de saisir la CNIL. Le dossier adressé à la CNIL doit comprendre : la copie de la demande d’effacement initiale, et la démonstration que la situation correspond bien à un cas où l’oubli numérique peut être exercé.

Conseil n°3 : Supprimer des résultats de recherche : le déréférencement

Qu’est-ce que le déréférencement ?

Ce droit permet à toute personne de demander à un moteur de recherche de supprimer certains résultats de recherche associés à son nom et prénom.

C’est l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne Google Spain c/ AEPD et Costeja Gonzales du 13 mai 2014 qui a créé le droit au déréférencement, en affirmant que « l’exploitant d’un moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne ». La suppression est subordonnée à un motif légitime.

Les moteurs de recherche doivent prendre des mesures de blocage pour empêcher ou, au moins sérieusement décourager les utilisateurs effectuant une recherche d’accéder aux liens déréférencés.

Mais le déréférencement n’est qu’une étape car il faudra ensuite demander l’effacement de l’information sur le site concerné.

Bon à savoir : certains moteurs de recherche comme Peekyou ou Pipl sont des moteurs de recherche de personnes. Ils collectent les données liées aux nom et prénom d’une personne... non sans parfois confondre les données d’homonymes.

Mise en œuvre du droit au déréférencement

La marche à suivre est la même que pour le droit à l’effacement, mais il s’agit de contacter le moteur de recherche lui-même et non un site particulier.

En l’absence de motif légitime, le moteur de recherche peut refuser le déréférencement. Cependant, dans le cas de données sensibles (opinion politique, convictions religieuses...), le moteur de recherche est en principe obligé de faire droit à la demande (sauf stricte nécessité). En effet, ces données touchent à l’intimité de la vie privée, et donc aux droits fondamentaux de la personne (arrêt de la CJUE n° C-136/17 du 24 septembre 2019).

Dans un arrêt n° C-507/17 du 24 septembre 2019, la CJUE a précisé que l’obligation de déréférencement pour les moteurs de recherche dans l’Union européenne était limitée au territoire européen des Etats membres de l’UE.

Conseil n°4 : Supprimer des données publiques néfastes

Attention, vos données considérées comme publiques ne sont pas protégées par les textes cités ci-dessus, qui concernent exclusivement les données personnelles.

On parle de données publiques pour désigner les données publiées ou tenues à disposition du public, collectées dans le cadre d’un service public. C'est le cas, par exemple, de certains documents administratifs, de décisions de justice, de listes de jurés,...

Si vous souhaitez supprimer ce type de données, il vous faudra là encore adresser votre demande au site source qui n’est cependant pas obligé d'y accéder. Vous devrez alors argumenter en expliquant en quoi cela vous porte préjudice.

Conseil n°4 : Supprimer les comptes internet dont vous ne voulez plus

Lancé par le blogueur britannique Robb Lewis, Just delete me vous donne les différents modes d’emploi pour supprimer vos comptes sur la toile.

Cet annuaire répertorie déjà 250 sites de services en ligne classés selon des codes couleurs établis en fonction de la difficulté à supprimer vos profils (facile, moyen, difficile, impossible). Les sites classés comme « moyen » et « difficile » sont accompagnés d’informations complémentaires. C’est le cas d’Amazon, Adobe, Itunes, Spotify qui impliquent par exemple de contacter le service client par mail ou par téléphone.

Et comme un internaute averti en vaut deux, sachez que Just delete me a créé une catégorie « impossible », véritable liste noire des sites où vous ne pouvez pas désactiver votre compte.

Conseil n°5 : Agir en justice pour protéger son e-réputation.

Si vous n’avez pas obtenu satisfaction après un recours auprès de la CNIL, et si vous restez convaincu de votre bon droit à obtenir l’effacement ou le déréférencement des données, car elles peuvent nuire à votre e-réputation, vous pouvez agir en justice.

Plusieurs fondements sont envisageables selon la situation :

  • action en diffamation ou en injure. La diffamation est l’allégation d’un fait (véridique ou non) qui porte atteinte à l’honneur d’une personne. On parle d’injure lorsque ce fait n’est pas vérifiable. Attention, le délai de prescription est de trois mois à compter de la première diffusion (un an en cas de diffamation sexiste, homophobe, handiphobe, ou raciste). L’action est dirigée contre l’auteur des propos (directeur de publication) et non l’hébergeur du site.
  • action pour atteinte aux droits de la personne en matière de données personnelles (traitement de données sans consentement, non-respect du droit d’opposition ou de suppression,..).L’action est dirigée contre le responsable du site, l’hébergeur, ou le moteur de recherche.

Bon à savoir : en cas d'urgence, il est possible de demander la suppression d’une publication ou d’un commentaire en référé.

Conseil n° 6 : Se créer une e-réputation positive

Si la suppression des contenus néfastes et peu valorisants est essentielle, il est également possible d’améliorer son e-réputation en créant du contenu qui vous est favorable !

Les réseaux sociaux -notamment professionnels- sont un très bon vecteur pour travailler votre image, et vous valoriser professionnellement.

Pensez à créer une communication claire et efficace, à produire un contenu de qualité, et à vous tourner vers des contacts ou partenaires ayant eux-mêmes une e-réputation favorable.

Conseil n°7 : Faire appel à une société spécialisée pour maîtriser votre e-réputation

Toutes ces démarches nécessitent recherches, courriers... et sont très chronophages.

Si votre e-réputation est mauvaise, et qu’il vous faut y remédier rapidement et de manière efficace, dans un objectif professionnel, il est possible de faire appel à une société spécialisée dans l’image numérique.

Si la majeure partie de leurs clients sont des entreprises, elles proposent aussi souvent leurs services à des particuliers, et leur garantissent la protection et la consolidation de leur e-réputation.

Josée Pluchet
Josée Pluchet

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.

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