Même si l'égalité au travail figure dans les textes de loi depuis 20 ans, rares sont les entreprises qui la respectent. C'est l'amer constat de Marie-Paule Dousset dans son dernier livre (1). Alors que faire ? Comment agir, chacune (et chacun) à son échelle pour faire respecter ses droits ? La tâche relève autant de la course de fond juridique que de l'enquête d'un privé de film noir.
Enquêtez
Toute seule dans son coin ou entourée de collègues de confiance, la détective devra décoder ce qui se passe dans son entreprise et en évaluer les inégalités réelles sans éveiller les soupçons de la DRH. La prise de conscience est parfois douloureuse. Un exemple : « Nous sommes six de la même grande école, de la même promotion, à avoir intégré cette grande banque il y a une quinzaine d'année et à faire le même travail : 5 filles et un garçon. Le seul "hors classe" avec la rémunération qui va avec est le garçon » (2).
Passez à l'action
Une fois les soupçons confirmés, il faut passer au plan B : se documenter sur l'arsenal juridique existant. Les textes de loi et leur décrets existent et les décrypter n'est pas un luxe. La juriste zélée pourra se pencher sur les lois Roudy de 1983 et Génisson de 2001. Cette dernière, dans son décret n°2001-832 du 12 septembre 2001, a obligé les entreprises de plus de 50 salariés à publier et afficher un rapport annuel d'égalité hommes/femmes avant la fin 2004. Tous les chiffres devaient être sexués : on pouvait notamment y comparer les salaires, les embauches par type de contrat de travail, l'accès aux formations, la répartition des promues suite à une formation, etc. (3)
Comparez
Ensuite, ça se corse : il faut s'initier aux écueils des comparatifs qui dérangent. A diplôme, expérience, compétences et formations équivalents, pourquoi Xavier émarge-t-il à 5000 euros annuels de plus que Sandrine ? Sous prétexte que « son job à lui vaut plus que son travail à elle ». Ah bon ? Et comment leur boss en est-il arrivé à cette conclusion ? Mystère... Certes, ils n'ont pas le même titre mais ce n'est qu'un écran de fumée. Il faut argumenter pour obliger l'entreprise à comparer ces deux postes. D'autres l'ont fait. En 1998, l'américain Texaco a dû payer 40 millions de dollars à ses employées pour compenser la disparité. En 1999, des salariés de Merryl Lynch ont attaqué la banque pour discrimination salariale. En France, les procès restent encore rares. L'auteur d'Au boulot les filles rapporte l'exemple d'une salariée d'IBM-Montpellier qui, au bout d'un an et demi, a obtenu gain de cause auprès des juges, à savoir 30 000 euros de dommages et intérêts ainsi qu'un passage immédiat au statut de cadre pour discrimination sexiste.
Faites appliquer la loi
La quatrième étape de cette guerre contre le sexisme au travail devrait être la plus simple, mais c'est souvent la plus ardue : il faut faire appliquer la loi. Avant d'en appeler aux tribunaux, il convient évidemment d'en passer par des méthodes douces. On peut commencer par frapper à la porte de la DRH sur le mode « coucou, c'est pour savoir si vous avez avancé sur le rapport Génisson. Non parce que, faudrait pas que vous soyez en retard... C'est quand même pour fin 2004 ». A ce stade, mieux vaut agir groupé. Et en dernier recours, il faudra bien en passer par l'inspection du travail et les instances prud'homales. Si le dossier est suffisamment solide, ces organismes auront sûrement raison d'une direction trop misogyne.
(1) M-P Dousset, Au boulot les filles ! Le livre utile aux femmes qui travaillent, Paris, Editions du Seuil, septembre 2003.
(2) p. 122, op. cit.
(3) p. 130, 131, op. cit.
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.