Forfait jours : les 12 réponses aux questions des cadres

Farah Sadallah

Vous êtes sûrement soumis au forfait jours, sans connaître véritablement vos droits. Avec le forfait jours, la durée du travail du cadre n’est pas comptabilisée en heure, mais en nombre de jours travaillés dans l’année. Le cadre dispose alors d’une grande liberté pour organiser leur emploi du temps. Cadremploi vous résume en 12 questions tout ce qu’il faut savoir sur le forfait jours des cadres.
Forfait jours : les 12 réponses aux questions des cadres

1. Qu’est-ce que le forfait jours ?

Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche (C. trav., art. L.3121-63). Dans le cadre du forfait jours, la durée de travail du salarié n'est pas comptabilisée en heures. Ce dernier est tenu de travailler un certain nombre de jours dans l'année.

La forfaitisation de la durée du travail doit faire l'objet de l'accord du salarié et d'une convention individuelle de forfait établie par écrit. (C. trav., art. L.3121-55). Cette convention qui prévoit le nombre de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours (C. trav., art. L.3121-54), déroge à la règle des 35 heures. Comme les autres salariés, le cadre soumis au forfait jours a droit à un temps de repos quotidien de 11 heures consécutives (C. trav., art. L.3131-1).

À noter : depuis le 1ᵉʳ janvier 2019, certaines rémunérations perçues dans le cadre d’un forfait en jours bénéficient d’une exonération de cotisations salariales et d’impôt sur le revenu. La majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de 218 jours, à des jours de repos entre dans le champ de la réduction.

2. Tous les cadres sont-ils au forfait jours ?

Tous les cadres ne sont pas tous soumis à ce régime. Le forfait jours concerne 47 % d’entre eux selon une étude de la Dares publiée en juillet 2015 sur les salariés au forfait annuel en jours. Les cadres dirigeants sont les premiers à pouvoir être soumis au forfait. Les secteurs qui recourent le plus au forfait jours sont la finance et l’assurance, la fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques et de machines, l’information et la communication, et la fabrication de matériels de transport, selon cette même étude.

3. Le forfait jours ne concerne-t-il que les cadres ?

Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l'année (C. trav., art. L.3121-58) :

  • Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
  • Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

À noter : les non-cadres peuvent donc être soumis, au forfait jours. À partir du moment où leurs activités professionnelles demandent beaucoup d’autonomie en raison de leur charge de travail et de leur responsabilité.

4. Les cadres au forfait jours travaillent-ils plus de 35 heures par semaine ?

La durée de travail du salarié n'est pas comptabilisée en heures, mais en jours. Le cadre soumis au forfait jours n'est donc pas soumis au respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail (35 heures) : il peut travailler plus ou moins.

Bon à savoir : dérogeant à la règle des 35 heures, les cadres au forfait jours travaillent en moyenne 44,6 heures par semaine selon une étude de la Dares publiée en juillet 2015. Cela monte même jusqu’à 50 heures par semaine, pour 39 % des interrogés.

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5. Les salariés peuvent-ils dépasser le nombre de jours prévus par leur forfait et être rémunérés en heures supplémentaires ?

Le forfait légal est de 218 jours de travail. Le cadre peut aller au-delà des 218 jours prévus par la convention s’il renonce à une partie de ses jours de repos et qu’il formalise cet accord par écrit avec son employeur. La majoration de salaire est précisée par un avenant à la convention individuelle de forfait. Son taux est au minimum fixé à 10 %. Si le salarié renonce à une partie des jours de repos, il ne peut pas travailler plus de 235 jours dans l'année, sauf si l'accord ou la convention applicable dans l'entreprise prévoit une durée différente (supérieure ou inférieure).

À noter : si votre employeur vous pousse à dépasser le plafond légal qui est de 235 jours, vous pourrez poursuivre l’entreprise aux prud’hommes afin d’obtenir des dommages et intérêts.

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6. Le cadre peut-il travailler moins de jours prévus par le forfait ?

Le décompte des jours travaillés fait l'objet d'un suivi régulier par l'employeur. Il est donc obligé de travailler le nombre de jours prévus par la convention.

7. Le forfait jours est-il-calculé sur une année civile ?

La convention collective précise si le forfait annuel est calculé sur l’année civile, c’est-à-dire du 1er janvier au 31 décembre, ou sur une toute autre période de 12 mois consécutive. Alors si le cadre arrive au cours de cette période, il n’aura pas le droit aux 25 jours ouvrés de congés payés prévus par la loi mais à une durée proportionnelle au nombre de mois travaillés. Et s’il part en cours d’année, il n’aura également pas acquis un droit complet pour ses jours de congés payés, soit 25 jours.

8. Les cadres au forfait jours sont-ils mieux payés que les autres ?

En comptant la rémunération brute annuelle, les primes et les compléments de salaire au forfait jours, les salariés sont mieux rémunérés que leurs homologues à temps complet aux heures, selon l’étude de la Dares publiée en juillet 2015. 5 % pour les cadres.

9. Les salariés au forfait jours ont-ils plus de jours de repos que les autres ?

Les salariés au forfait jours bénéficient en plus des congés payés, de RTT (réductions du temps de travail). Pour connaître le nombre de RTT, il faut calculer tous les samedis et dimanches de l’année, ainsi que les jours fériés qui tombent en semaine. Et procéder à cette opération :

le nombre de jours dans l’année – le plafond maximal du forfait jour de la convention collective – le nombre de jours de repos hebdomadaires – le nombre de jours de congés payés – le nombre de jours fériés tombant les jours ouvrés = le nombre de RTT.

10. Que gagnent les collaborateurs à renoncer à leurs jours de repos ?

Les cadres sont payés lorsqu’ils renoncent à prendre leurs jours de repos. À partir du moment où l’accord collectif (ou celui qui fixe les prérogatives du forfait jours des salariés) contient une disposition sur le renoncement. Le salarié conclue alors avec son employeur un avenant à la convention de forfait, et détermine le taux de majoration des jours supplémentaires travaillés, sans qu’il puisse être inférieur à 10 %. En revanche, si l’accord collectif ne prévoit pas de dispositif pour le renoncement, le salarié n’a pas intérêt à renoncer à ses jours. Il sera dispensé de toute majoration. S’il décide de le faire, il ne pourra pas travailler plus de 235 jours dans l’année.

11. Le forfait jours est-il toujours conforme à la loi ?

Entre 2011 et 2015 la Cour de cassation a annulé une dizaine d’accords de branche sur le forfait jours, en raison de sa non-conformité avec la constitution et le droit européen. Les entreprises ont été sanctionnées pour ne pas avoir respecté le droit au repos, à la santé, et à la sécurité des salariés. La France a également été condamnée à quatre reprises par le Comité européen des droit sociaux pour les mêmes raisons. Pourtant la convention collective prévoit un entretien annuel et un suivi continu de la charge de travail des collaborateurs, du respect des temps de repos, de l’organisation de son travail et de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

12. L’entreprise peut-elle imposer le forfait jours à ses salariés ?

La loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 de ratification des ordonnances Macron permet aux accords de performance collective de modifier ou de mettre en place des forfaits annuels en jours afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l'emploi, un accord de performance collective peut aménager la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition (C. trav., art L. 2254-2).

On distingue la mise en place d’un forfait jours de la modification d’un forfait jours déjà existant :

  • Si la mise en place de cet aménagement est supérieur à une semaine, les dispositions du Code de travail relatives au forfait jours doivent s’appliquer (C. trav., art. L.3121-58 et suiv.). Le refus du salarié de signer une convention de forfait, même sur le fondement d’un accord de performance collective, ne saurait constituer un motif de licenciement.
  • Si l’accord de performance collective se contente de modifier un forfait annuel déjà mis en place, les modifications s’imposent au salarié : il n’est pas nécessaire d’obtenir l’accord du cadre sur la nouvelle forfaitisation. L’article L.2254-1 du Code du travail exclut, en cas de simple modification du forfait annuel en jours, l’application des articles L. 3121-55 (nécessité d’obtenir l’accord du salarié et de conclure d’une convention individuelle écrite) et du 5° du I de l’article L. 3121-64 du Code du travail (nécessité pour la convention individuelle de fixer le nombre de jours compris dans le forfait).

=> l’acceptation de l’application de l’accord de performance collective par le salarié dans les conditions mentionnées ci-dessous entraîne de plein droit l’application des stipulations de l’accord relatives au dispositif de forfait annuel (il n’est donc pas nécessaire de conclure un avenant à la convention individuelle de forfait).

=> Quid en cas de refus ? Rien n’est indiqué dans les textes. A contrario, on peut en déduire que le refus par le salarié de la modification de sa convention individuelle de forfait annuel vaut refus de l’accord de performance collective et ouvre la voie au licenciement sui generis (fondé sur le refus de l’accord) selon les modalités prévues par l’article L. 2254‐2 du Code du travail.

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Farah Sadallah
Farah Sadallah

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