Les obligations légales de l’employeur pour lutter contre le harcèlement au travail
Selon l’article L4121-1 du Code du travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». L’employeur est donc tenu à certaines obligations en matière de sécurité et de protection de la santé de ses salariés. Il est également tenu d’agir lorsqu’il a connaissance de faits de harcèlement moral au travail ou de harcèlement sexuel. Prévenir et agir : à défaut de respecter ces obligations, il peut voir sa responsabilité engagée.
Il a, en effet, été jugé dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, en date du 1er juin 2016 (pourvoi n° 14-19702) que pour s’exonérer de sa responsabilité, l’employeur devra justifier :
- avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ;
- avoir pris les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement au travail.
Les mesures préventives pour lutter contre le harcèlement au travail
Ces « mesures nécessaires » peuvent prendre des formes diverses, à la discrétion de l’employeur :
- actions de prévention des risques professionnels (sensibilisations...) ;
- actions d’information (notes de services, guide remis à l’embauche...) et de formation ;
- mise en place d’une organisation et de moyens adaptés (mise en place d’une procédure d’alerte spécifique dans le règlement intérieur de l’entreprise...).
La loi impose en outre à l’employeur de constamment améliorer et adapter les mesures prises. Sur ce point, une collaboration efficace avec les représentants du personnel et avec la médecine du travail est essentielle.
L’employeur est également tenu de porter à la connaissance des salariés, personnes en formation ou en stage, et candidats au recrutement les dispositions du Code pénal réprimant le harcèlement (article L1152-4 du Code du travail). Cette information peut être donnée par tout moyen (affichage, site intranet, mail ou autre).
Enfin, le règlement intérieur rappelle les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel prévues par le Code du travail (article L1321-2 du Code du travail). À défaut, l’employeur encourt une peine de 750 € d’amende.
Une obligation de mener une enquête en cas de plainte pour harcèlement
L’alerte peut provenir de la victime directement, ou d’un représentant du personnel.
Lorsque l‘employeur reçoit une plainte pour harcèlement, il est tenu de mener une enquête, et cela même s’il est convaincu que cette plainte est infondée. (Cass., ch. soc., 27 novembre 2019, n°18-10551).
Cette enquête interne doit être menée de manière contradictoire. Elle doit être exhaustive et impartiale.
Les mesures correctives pour mettre fin au harcèlement au travail
L’employeur doit prendre toutes dispositions pour remédier à la situation.
Ainsi, un salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire : mutation, mise à pied, voire un licenciement disciplinaire.
Dénoncer les faits de harcèlement au travail pour lutter contre
Le salarié qui se sent victime de harcèlement doit en informer son employeur, et/ou les représentants du personnel de l’entreprise. En cette matière, le comité social et économique (CSE) dispose d’un droit d’alerte (article L2312-59 du Code du travail), et doit saisir immédiatement l’employeur.
Il peut en parallèle alerter l’inspecteur du travail qui pourra constater les faits et éventuellement saisir la justice.
Plusieurs procédures sont envisageables, et éventuellement cumulables.
Saisir la justice pour stopper le harcèlement moral au travail
La voie extrajudiciaire pour mettre fin au harcèlement
Une procédure de médiation peut être mise en place entre la victime et l’auteur du harcèlement, à l’initiative de l’employeur ou des parties elles-mêmes.
Le médiateur, choisi d’un commun accord entre les parties, tentera de concilier les parties, en proposant des solutions concrètes comme un changement de poste, une mutation...
Si la médiation n’aboutit pas, le médiateur informera les parties de la possibilité d’emprunter la voie judiciaire.
Bon à savoir : si le harcèlement est fondé sur une discrimination, la victime peut saisir le Défenseur des droits (09 69 39 00 00).
La voie judiciaire pour lutter contre une situation de harcèlement au travail
Le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes, dans un délai de 5 ans à compter du dernier fait de harcèlement subi.
Devant le Conseil de prud’hommes, la procédure est dirigée contre l’employeur lui-même, et cela même s’il n’est pas l’auteur des faits de harcèlement. Il pourra par exemple lui être reproché :
- le manquement à son obligation de sécurité ;
- une discrimination au travail faisant suite à des faits de harcèlement (en effet, en application de l’article L1152-2 du Code du travail, aucun salarié « ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une discrimination, direct ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ») ;
- un manquement à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail (cf. article L1222-1 du Code du travail).
Le salarié pourra obtenir :
- réparation du préjudice subi, à condition d’en avoir démontré l’existence (préjudice moral, perte de revenus en cas d’absences non rémunérées, frais médicaux...) ;
- une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur (prise d’acte ou résiliation judiciaire), emportant les effets d’un licenciement nul.
Agir au pénal en cas de harcèlement moral au travail
Le harcèlement moral est un délit, que le Code pénal punit de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (article 222-33-2 du Code pénal).
C’est l’auteur direct du harcèlement qui est alors poursuivi : il peut s’agir de l’employeur, ou d’un supérieur hiérarchique, ou même d’un collègue auquel la victime n’est pas subordonnée.
Le salarié victime doit agir dans les 6 ans du dernier fait de harcèlement. Pour caractériser le délit en droit pénal, il devra démontrer une intention de nuire (ce qui n’est pas le cas devant les prud’hommes).
Attention avant de vous lancer dans une procédure si elle vous semble hasardeuse : un abus de dénonciation peut justifier un licenciement pour faute grave...
Bon à savoir : toute organisation syndicale représentative peut agir en justice en son nom propre, ou en lieu et place du salarié victime (article L1154-2 du Code du travail).
Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.