L'autolicenciement, une fausse bonne idée ?

Marine Relinger

Retour sur la jurisprudence de la « prise d'acte », qui fait l'objet d'une proposition de loi, avec l'avocat Michaël Amado. Ce dernier souligne les risques, pour le salarié, d'une requalification en démission. Et conseille plus favorablement une « rupture conventionnelle du contrat », si cela est possible.

Alors qu'une proposition de loi pour encadrer la prise d'acte vient d'être déposée à l'initiative de 23 députés UMP, l'avocat Michaël Amado (cabinet Amado avocats) revient sur une procédure qu'il juge « beaucoup plus dangereuse qu'on ne le croit pour le salarié ».

Avec la prise d'acte, plus besoin d'attendre le bon vouloir de l'employeur pour quitter son poste. Ce mode de rupture du contrat de travail, créé par la jurisprudence, permet au salarié de prendre acte de la fin de son contrat et de quitter son poste « à condition de justifier d'un ou plusieurs manquements suffisamment grave(s) de l'employeur empêchant la poursuite de son contrat de travail », souligne Michaël Amado. Il s'agit, en général, d'une « modification unilatérale du contrat de travail engendrant par exemple une baisse sensible et non acceptée de la rémunération, le non paiement d'heures supplémentaires... », résume l'avocat.

Une procédure longue...

D'abord, « la procédure est longue : après avoir pris acte de la rupture de son contrat, le salarié saisira le Conseil de Prud'Hommes qui rendra sa décision un ou deux ans après la date de sa saisine, puis autant pour la Cour d'appel et, de même, pour la Cour de cassation », note ce dernier. Certes, la jurisprudence (retrouvez en ligne une synthèse des décisions de la Cour de cassation et une liste de motivations des cas présentés, issue du Dictionnaire permanent de Droit du travail) est utile pour situer son cas dans le cadre de l'existant. Mais « cette dernière porte sur des affaires qui ont 5 ou 6 ans et rien n'oblige les Conseils de Prud'hommes à suivre les décisions prises jusqu'ici par la Cour de cassation », prévient-il.

... sans statut véritable

Le risque pour le salarié est clair : pour faire simple, la prise d'acte n'a pas de « statut légal » en elle-même ; soit elle sera jugée comme fondée et débouchera à un licenciement sans cause réelle et sérieuse (favorable au salarié), soit elle sera requalifiée en démission. Et c'est au juge de trancher. « Si le plaignant ne réussit pas à démontrer clairement la faute suffisante de son employeur, il sera jugé démissionnaire », insiste Michaël Amado, en précisant que le salarié se retrouvera alors sans allocations chômage, devant éventuellement « rembourser les allocations chômages éventuellement perçues » quand bien même serait-il sans emploi.

« Personnellement, je ne fais plus faire de prise d'acte si le salarié risque de se retrouver au chômage. C'est trop dangereux. D'autant plus qu'il existe, depuis 2008, une porte de sortie honorable pour le salarié et l'employeur quand la relation n'est plus bonne : la rupture conventionnelle », note-t-il.

Préférer la rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle, inscrite dans la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, permet aux deux parties de mettre un terme au contrat et au salarié de toucher une indemnité de licenciement et les allocations chômage, ce qui n'est pas le cas dans le cadre d'une rupture à l'amiable. « C'est bien moins violent qu'un licenciement et c'est cette procédure là qui gagne du terrain », rapporte Michaël Amado.

(A prendre en note également : l'autre procédure existante, la résiliation judiciaire du contrat qui revient à demander au juge de se substituer à l'auteur de la rupture du contrat, ce qu'il est peu enclin à faire, serait, elle, très difficile à obtenir.)

Proposition de loi sur la prise d'acte, quoi de neuf ?

La proposition de loi relative à la prise d'acte récemment déposée par la députée Bérengère Poletti « se contente à priori principalement de reprendre la jurisprudence », donc rien ne changerait vraiment sur le fond. La prise d'acte ne deviendrait toujours pas une cause de rupture du contrat à part entière. Elle serait toujours considérée soit comme une démission, soit comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. « La proposition de loi, dont certains termes demeurent imprécis, revient à encadrer la prise d'acte dans un formalisme plus pesant pour le salarié. Et cela ne modifie pas les risques que ce dernier prend en matière de possible remboursement des allocations chômage », conclut l'avocat.

Marine Relinger
Marine Relinger

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