
Dans quelles situations l’employeur peut-il unilatéralement modifier les heures de travail ?
L’employeur est en droit de modifier les horaires de travail de son salarié dans deux situations très claires. Dans l’une ou l’autre, il est impératif que la modification en question soit guidée par l’intérêt de l’entreprise et ne porte pas atteinte aux droits du salarié.
Les 2 situations où l’accord du salarié n’est pas nécessaire
En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur peut modifier les horaires de son salarié de manière unilatérale, dans deux hypothèses :
- Les horaires de travail ne sont pas mentionnés dans le contrat de travail.
- Les horaires de travail n’entraînent pas de grands bouleversements dans le quotidien du salarié. On parle d’une simple modification des modalités d’exécution du contrat de travail.
Dans ces deux cas, l’accord du salarié n’est pas nécessaire.
Les juges ont ainsi considéré que constituaient une simple modification des conditions de travail :
- une nouvelle répartition de l’horaire au sein de la journée (Cass, ch. soc., 22 février 2000, n°97-44339) ;
- le travail le samedi matin à la place d’une autre matinée dans la semaine, en l’absence de clause excluant le travail le samedi (Cass, ch. soc., 27 juin 2001, n°99-42462) ;
- une modification d’horaire impliquant pour le salarié de travailler pendant l'heure du déjeuner (Cass, ch. soc., 17 octobre 2000, n°98-42177).
À noter : la loi ne prévoit pas de délai de prévenance. Laisser le temps à son salarié de s’organiser découle de l’obligation de l’employeur d’exécuter le contrat de travail de bonne foi.
La modification des horaires doit être motivée par l’intérêt de l’entreprise
Il ressort de tout contrat de travail une obligation de loyauté entre l’employeur et son salarié. De là, la modification des horaires imposée par l’employeur doit être justifiée par l’intérêt de l’entreprise.
Si la modification n’est pas indispensable à la bonne marche de l’entreprise, le refus du salarié est justifié. Son licenciement sera alors sans cause réelle et sérieuse (cf. Cass, ch. soc., 12 mars 2002, n°99-46.034 pour un salarié qui s’était vu retiré des mercredis dont il avait besoin pour garder ses enfants).
Si l’employeur modifie les horaires de travail de son salarié dans le seul but de lui nuire, il pourra s’agir d’un cas de harcèlement moral défini à l’article L 1152-1 du Code du travail. Il faudra alors que le salarié démontre des « agissements répétés (...) qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Les nouveaux horaires ne doivent pas porter une atteinte excessive aux droits du salarié
Enfin, la modification des horaires de travail imposée par l’employeur ne doit pas porter une atteinte excessive à la vie personnelle et familiale du salarié, ni à son droit au repos (Cass, ch. soc., 2 mars 2011, n°09-43223).
Ainsi, la modification ne doit pas empêcher le salarié de garder ses enfants en bas âge (lorsqu’il n’a pas d’autre solution de garde) ou de s’occuper d’un proche dont l’état de santé nécessite une présence ; elle ne doit pas nuire à sa santé en ne lui permettant pas un temps de repos suffisant.
Si la modification des horaires de travail porte une atteinte excessive à ses droits, le refus du salarié n’est pas fautif (Cass, ch. soc., 3 novembre 2011, n° 10.14702).
Le salarié peut-il refuser la modification de ses horaires de travail ?
Un salarié qui refuse une modification de ses conditions de travail commet donc un acte d’insubordination, qui constitue une faute.
Lorsque la faute est qualifiée de grave par les juges, elle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement disciplinaire (Cass, ch. soc., 14 décembre 2016, n° 15-21363).
Dans quelles situations la modification des horaires nécessite-t-elle l’accord du salarié ?
Dans certains cas, la modification des horaires de travail dépasse le pouvoir de direction de l’employeur et nécessite l’accord du salarié. Si le salarié refuse le changement, ce refus ne constitue pas une faute : l’employeur devra renoncer à la modification, ou bien licencier le salarié sur un fondement autre que la faute.
Bon à savoir : notons au préalable que les salariés protégés ne peuvent pas se voir imposer une modification de leurs conditions de travail. Leur accord est toujours nécessaire (Cass, ch. soc., 14 novembre 2000, 99-43270).
L’accord du salarié est nécessaire si les horaires sont contractualisés
Qu’entend-on par horaires contractualisés ? Il s’agit des cas dans lesquels les horaires de travail sont inscrits en toutes lettres dans le contrat de travail, ou un autre document contractuel comme une convention de forfait.
Attention cependant : la simple mention des horaires dans le contrat de travail ne les rend pas forcément « essentiels ». Il peut s’agir selon les juges d’une simple mention à valeur informative. Il faut qu’une formulation claire ait fait apparaître la volonté des parties de rendre ces éléments essentiels à leur relation de travail (Cass, ch. soc., 11 juillet 2001, n°99-42710 ou Cass, ch. soc., 9 mars 2005, 03-41715).
Si les horaires sont contractualisés, leur modification entraîne une modification du contrat de travail, qui nécessite l’accord du salarié.
L’accord du salarié est nécessaire en cas de modification substantielle du contrat de travail
Que les horaires aient ou non été stipulés dans le contrat, certains changements sont tels qu’ils modifient substantiellement la relation de travail. Ce sera le cas lorsque la structure même des horaires de travail est modifiée, bouleversant l’organisation du travail, et imposant de nouvelles contraintes importantes au salarié.
Bien sûr ce sera le cas si la durée du travail est modifiée. Certes, l’employeur est en droit d’imposer des heures supplémentaires ponctuelles à son salarié. Mais il ne peut pas diminuer la durée du travail si elle entraîne une diminution de la rémunération (sauf en cas de chômage partiel).
Constituent notamment des modifications substantielles du contrat de travail :
- le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit (Cass, ch. soc., 19 février 1997, n°95-41207) ;
- le passage d’un horaire continu à un horaire discontinu (Cass, ch. soc., 18 décembre 2000, n°98-42885) ;
- le passage d’un horaire fixe à un horaire variable (Cass, ch. soc., 14 novembre 2000, 98- 43218).
L’accord du salarié est nécessaire en cas de temps partiel
Le contrat de travail d’un salarié à temps partiel mentionne obligatoirement la répartition de la durée du travail sur la journée, la semaine, le mois... Il n’est donc pas possible pour l’employeur de modifier les horaires contractualisés du salarié à temps partiel, sans son accord.
Par exception, lorsque les modalités de modification des horaires de travail sont préalablement prévues dans le contrat de travail, le salarié ne peut refuser cette modification. Cependant, le refus du salarié d'accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement (article L 3123-12 du Code du travail) :
- si cette modification n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur, avec l'accomplissement d'une période d'activité fixée par un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée ;
- ou s’il s’agit d’une modification des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le contrat.
En tous les cas, l’employeur devra respecter un délai de prévenance de 7 jours ouvrés (une convention collective peut prévoir un délai différent, qui ne peut cependant pas être inférieur à 3 jours ouvrés). Si ce délai n’est pas respecté, le salarié pourra refuser la modification de ses horaires de travail et ce refus ne constituera pas une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass, ch. soc., 4 avril 2006, n° 04-42672).

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.