
Plus de 200 000 litiges opposent, chaque année, salariés et employeurs au conseil de prud’hommes. Dans 98 % des cas, ce sont des collaborateurs qui se retournent contre leur entreprise, et souvent ils ont besoin de témoignages de salariés. Comment réagir quand on vous sollicite ? Un avocat décrypte de multiples situations.
1. Un collègue attaque… et je pense qu’il a raison
C’est un grand classique de la vie en entreprise. Un collègue visé par une procédure de licenciement prévient ses collègues qu’il va attaquer l’employeur aux prud’hommes. Pour avoir gain de cause, il aura souvent besoin de témoignages de salariés… qui risquent d’être mal vus s’ils lui apportent du soutien. « Un témoignage ne pourra pas rester confidentiel, prévient d’emblée Olivier Meyer, responsable du département Droit du travail au sein du cabinet d’avocats D, M & D. À partir du moment où une attestation peut être produite en justice, l'employeur aura nécessairement connaissance de cette pièce du dossier. » L’avocat, auteur du guide Procédure prud’homale, mode d’emploi, reconnaît que cela peut rendre frileux. « Mais la loi fournit quand même des protections à ces salariés dans certains cas graves. » Le juriste cite ainsi les articles L.1152-2 et L.1153-3 du code du travail selon lesquels aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte pour avoir dénoncé des cas de harcèlement moral ou sexuel. Mais la jurisprudence envisage aussi d’autres cas de litiges. « Un arrêt du 29 octobre 2013 de la Cour de cassation rappelle que le droit de témoigner, en bonne foi, dans une instance prud'homale est une liberté fondamentale. Et celle-ci est également définie par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). »
2. Je veux bien aider un collègue… mais pas tout de suite
Rares sont les cas de figure où l’on peut soutenir discrètement un salarié en justice. Mais c’est cela reste encore possible… si l’intéressé est sur le départ. « J'ai déjà vu des cas où un salarié encore en poste ne voulait pas prendre le risque de témoigner, se souvient Olivier Meyer. Il était d'accord pour écrire un témoignage mais à produire seulement après son départ de l’entreprise. » Ce cas de figure est possible, compte tenu des délais des procédures, mais rarement au-delà d’un délai de six mois.
3. Un collègue attaque… mais je ne veux rien faire
Pour autant, rien, dans la loi, n’oblige évidemment un salarié à prendre fait et cause pour un collègue. « On peut voir un témoignage comme un devoir citoyen, résume Olivier Meyer. En même temps, ce n’est pas une obligation. Un salarié peut se prévaloir d’un devoir de neutralité et estimer, par exemple, ne pas être en situation d'apprécier complètement une situation dans sa globalité… »
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4. Un collaborateur attaque… et je trouve qu’il a tort
Notre avocat insiste sur un point essentiel : qu’il ait raison ou pas, assigner un employeur aux prud’hommes reste, pour le salarié, une liberté fondamentale. Avis aux managers : pas question de stigmatiser ou de commenter une procédure en cours. « Un employeur ou un manager doit rester calme et observer un devoir de réserve quand cela se produit », insiste Olivier Meyer. En même temps, rien n’empêche un salarié de proposer un témoignage… à l’employeur. Ce scénario peut prêter à sourire mais reste dans l’esprit de la procédure. « La notion de devoir citoyen va dans les deux sens. Si on a été témoin d’une infraction commise au préjudice de l'employeur, il me paraît normal de témoigner dans ce sens. » À condition, évidemment, que la démarche soit de bonne foi…
5. Je n’ai rien vu… mais j’ai envie de le soutenir
Reste en effet une mise en garde fondamentale de l’avocat : gare aux témoignages de complaisance ! « Il peut y avoir des cas où l’on veut soutenir un collègue… mais sans pouvoir témoigner de faits précis. » Olivier Meyer rappelle alors le caractère solennel de la démarche : le témoignage (dont le modèle d’attestation de témoin peut-être trouvé ici) doit être manuscrit, accompagné d’une copie de sa carte d'identité et étayé par des faits exacts, sous peine de poursuites. Il faudra également recopier la mention : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le faits d’établir une attestation ou un certificat faisant état de fait matériellement inexacts ». « Les intéressés reviennent souvent sur cette mauvaise idée dès lors qu’il faut remplir l’attestation. »
Notre conseil Cadremploi : tout conflit professionnel ne nécessite pas de contacter un avocat spécialisé en droit du travail. Conflit au travail : quand faut-il faire appel à un avocat ?, notre article répond à cette question et vous informe.
