Menace au travail, que risquez-vous ?

Mathilde Palfroy

Vous avez menacé un collègue sous le coup de l’impulsion ? Un salarié qui profère des menaces ou des insultes sur son lieu de travail encourt des sanctions disciplinaires et pénales. La gravité de l’agression dépend du contexte et de l’intensité des propos tenus. Vous ne vous exposez pas aux mêmes sanctions en cas de dérapage verbal ou d’attitude violente. Menace au travail, que risquez-vous ? Le point sur la définition et la sanction dans cet article.
Menace au travail, que risquez-vous ?

Qu’est-ce qu’une menace au travail ?

La menace au travail est une agression verbale par laquelle un membre d’une entreprise affiche à un autre son intention de lui nuire. C’est une agression grave qu’un employeur est tenu de réprimer, car il est responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés (C. trav., art. L. 4121-1)

Les menaces revêtent un caractère particulièrement sérieux lorsque l’agresseur profère également des insultes, des grossièretés, se montre violent ou affiche la volonté de s’en prendre physiquement à sa victime. 

Lorsqu’elles sont répétées, les menaces au travail, quelle que soit leur nature ou leur intensité, peuvent caractériser une situation de harcèlement moral au travail.  

Bon à savoir : en cas de plainte ou dénonciation de harcèlement moral par un de ses salariés, l’employeur est obligé de déclencher une enquête interne. Le Code du travail lui impose en effet de prendre « toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral » (C. trav., art. L. 1152-4)

Menace au travail, que risquez-vous sur le plan disciplinaire ?

Menacer un collègue ou votre employeur vous expose à un risque de sanction dont la gravité va dépendre des circonstances et de l’intensité de la ou des menaces proférées. En effet, toute sanction disciplinaire de l’employeur doit être proportionnée à la faute commise par le salarié. 

Une tolérance possible pour un dérapage isolé et de faible intensité

La tolérance est possible pour une menace mesurée, isolée et proférée sous le coup de la colère, mais elle n’est pas automatique et dépend de la décision de l’employeur. 

Ainsi, si vous avez eu un écart de langage suite à une altercation, votre employeur peut tenir compte d’éventuelles circonstances atténuantes, si par exemple le collègue victime s’est montré désagréable ou provocant, ainsi que de votre comportement habituel et consécutif à vos propos déplacés. Si vous n’êtes pas licencié, votre employeur vous sanctionnera certainement par un avertissement ou un blâme.  

Exemple : un salarié déclare à un collègue l’ayant lésé, dans le cadre d’une dispute ou d’une mésentente, qu’il se vengera. Il s’excuse ensuite rapidement. L’employeur, s’il n’a jamais eu de problème avec ce salarié, peut choisir de le sanctionner par un simple avertissement. 

La présence d’une faute grave ou d’une faute lourde en cas de menace violente ou répétée

Par contre, dès lors que vous vous êtes l’auteur d’une menace agressive, violente, ou de menaces répétées, vous encourez un licenciement disciplinaire pour faute grave ou pour faute lourde possiblement assorti d’une mise à pied conservatoire.  

Les juges considèrent qu’une faute grave est présente lorsque le comportement du salarié est d’une gravité telle qu’il rend impossible son maintien dans l’entreprise. C’est par exemple le cas lorsque la menace du salarié est accompagnée d’injures (Cass. soc., 10 nov. 2016, n° 15-19.736) ou en cas d’attitude violente du salarié comme la présence de cris et d’agressivité (Cass. soc., 26 juin 2013, n° 12-13-227)

Pour caractériser une faute lourde, l’employeur doit en plus du maintien impossible du salarié établir son intention de nuire à l’entreprise. C’est par exemple le cas en cas de menace de mort par un salarié de son employeur (Cass. soc., 4 juill. 2018, n° 15-19.597)

Bon à savoir : les juges, pour valider le bien fondé du licenciement et la nature de la faute retenue par l’employeur, tiennent compte d’éventuelles circonstances atténuantes ainsi que de l’ancienneté et du comportement passé du salarié au sein de l’entreprise. 

Quelles sont les sanctions pénales en cas de menace au travail ?

Une menace verbale isolée ne peut pas donner lieu à des poursuites pénales, mais dès lors qu’il existe des preuves matérielles ou des menaces répétées, l’agresseur engage sa responsabilité pénale.  

L’article 222-17 du Code pénal dispose que « la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable est punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende lorsqu'elle est, soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet »

Le Code pénal prévoit ensuite plusieurs circonstances aggravantes faisant courir à l’auteur d’une menace des sanctions plus lourdes notamment en cas de menace de mort ou de menace sous condition.  

Bon à savoir : les poursuites pénales sont distinctes des conséquences disciplinaires en droit du travail. Elles peuvent être engagées par la victime, par l’employeur, ou par le procureur dans un délai de trois ans après les faits reprochés au salarié. 

Menace au travail proférée par un employeur

L’employeur menaçant ou ayant laissé un supérieur menacer un salarié s’expose à ce que la démission du salarié ou sa prise d’acte de la rupture lui entraîne le tort d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.  

L’employeur sera alors tenu d’indemniser le salarié pour le préjudice subi et il encourt par ailleurs les sanctions pénales évoquées ci-dessus en cas de menace directe de sa part ou pour manquement à son obligation de prévention d’atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs.

Mathilde Palfroy
Mathilde Palfroy

Éditrice et rédactrice juridique, Mathilde Palfroy s’intéresse à tous les sujets pratiques du quotidien. Elle rédige pour Cadremploi des articles sur des thématiques liées à l’emploi et à la carrière. En plus de ses collaborations avec différents éditeurs spécialisés, elle assure également le suivi d’ouvrages de littérature générale aux éditions de la Rémanence dont elle est la fondatrice.

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