
Peut-on toucher le chômage après un abandon de poste ?
Les salariés qui abandonnent leur poste au lieu d'engager une procédure régulière de démission sont désormais privés d’allocations-chômage. Le parlement a adopté un amendement qui met fin à ce que le ministre du Travail appelle "une faille juridique" à l'automne 2022, dans le cadre de l’examen du projet de loi de réforme de l’assurance-chômage. La ministre déléguée, Carole Grandjean, a qualifié l’abandon de poste de « phénomène en augmentation constante ». Le député de la majorité Dominique Da Silva a quant à lui plaidé en faveur d’une mesure « claire et juste » afin d'éviter de désorganiser les entreprises.
Cet amendement modifie le Code du travail en faisant prévaloir la présomption de démission lorsqu'un salarié abandonne son poste, via l'article L1237-1-1. Le décret n°2023-275 en date du 17 avril 2023, précise les modalités d'application du dispositif, notamment la procédure à suivre pour l'employeur et les situations dans lesquelles l'abandon de poste des salariés est considéré comme légitime et ne peut donc être assimilé à une démission. La présomption de démission en cas d’abandon de poste est effective depuis le 19 avril 2023.
Avant cette loi, l'abandon de poste n’était pas clairement défini dans le Code du travail ni dans aucun texte de loi. C’était donc la jurisprudence qui l'encadrait.
Rappel de ce qu'est un abandon de poste
L’abandon de poste est un mode de suspension du contrat de travail, désormais assimilé à une démission en CDI.
Pour être constitué, l’abandon de poste doit réunir plusieurs éléments :
- Le salarié ne se rend plus au travail : absence prolongée (plus de 48h) ou répétée ;
- Le salarié ne reprend pas le travail ou ne se présente plus à son travail ;
- Le salarié ne justifie pas son absence auprès de son employeur ;
- L’employeur ne doit pas avoir validé cette absence.
A contrario, il n’y a pas abandon de poste lorsque l’absence du salarié est motivée et justifiée par :
- Une raison médicale, lorsqu’un arrêt maladie est produit ;
- Une consultation médicale, lorsque l'état de santé le justifie ;
- Un décès ;
- Une grossesse ;
- L’exercice du droit de retrait ;
- L’exercice du droit de grève ;
- Le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
- Une modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur qui est refusée par le salarié ;
- Ou toute autre absence prévue et autorisée par la convention collective (déménagement, mariage…).
Attention, il ne faut pas confondre abandon de poste et absence injustifiée. L'abandon de poste résulte souvent d'une absence injustifiée, mais une absence injustifiée ne constitue pas à elle seule un abandon de poste. En effet, si le salarié reprend son poste après une absence non justifiée, l'abandon de poste n'est pas caractérisé. L'employeur peut sanctionner cette absence, mais le contrat de travail se poursuit. Cependant, de multiplies absences injustifiées peuvent être un motif pour un licenciement pour faute.
L’abandon de poste, dès qu’il est constitué, entraîne immédiatement la suspension du contrat de travail. Le salaire n’est plus versé par l’employeur, puisque le travail n’est plus exécuté par le salarié. C’est donc une période financière délicate pour celui qui se lance dedans, avec une date de début mais sans date de fin connue. Plus la suspension dure, plus le salarié est privé de rentrée d’argent.
L’abandon de poste peut ensuite entraîner la rupture du contrat de travail. Le salarié qui ne reprend pas son poste après une mise en demeure de l'employeur est présumé démissionnaire. S'il le conteste, il peut saisir le conseil de prud'hommes.
- L'employeur n'a aucune obligation légale d'engager une procédure de rupture du contrat de travail suite à un abandon de poste. Mais s'il souhaite engager cette procédure, il doit accorder un délai d'au moins quinze jours au salarié pour réintégrer son poste avant de le considérer comme démissionnaire. A l'échéance de ce délai, s'applique alors la procédure de démission, pour laquelle le salarié est notamment redevable d'un préavis ;
- Si l’employeur ne lance aucune procédure de licenciement, le salarié continue à être lié contractuellement à l’entreprise et recevra chaque mois des fiches de paie à zéro. Les deux parties devront nécessairement trouver un accord à un moment ou à un autre pour mettre fin à cette situation.
Abandon de poste et indemnités de licenciement
L'abandon de poste étant assimilé à une démission, le salarié ne bénéficie d'aucune indemnité de licenciement ni de rupture conventionnelle. Seule lui est due l'indemnité compensatrice de congés payés, dans le cas où il n'aurait pas pris tous les congés auxquels il avait droit. Si l'employeur le dispense d'exécuter son préavis de fin de contrat, le salarié touche également l'indemnité compensatrice de préavis, correspondant aux salaires que le salarié aurait touché s'il l'avait effectué.
Jusqu'à la mise en place de la présomption de démission en 2023, l'abandon de poste était assimilé à un licenciement, et l'employeur avait le choix entre une procédure de licenciement pour faute simple ou pour faute grave selon les conséquences que l'abandon de poste avait eu sur l'organisation de l'entreprise.
Droit au chômage dans le cas d'un abandon de poste en CDI
Si l’employeur engage une procédure de rupture du contrat de travail pour démission suite à un abandon de poste, le salarié n'a pas le droit de toucher l'allocation chômage. Le salarié n'aura droit aux indemnités chômage que si sa démission est considérée comme légitime (suivi du conjoint, refus de l'employeur de verser le salaire dû, acte délictueux dans le cadre du contrat de travail).
De plus, si le salarié abandonne son poste pour certains motifs, cela ne peut pas être assimilé à une démission : raisons médicales, exercice du droit de grève, modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur... L'employeur ne peut alors mettre fin au contrat de travail pour démission. S'il le fait, le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes pour contester la rupture du contrat de travail, et ainsi potentiellement être réintégré dans l'entreprise ou être indemnisé par son employeur et bénéficier de l'allocation chômage.
Droit au chômage dans le cas d'un abandon de poste en CDD
Le CDD possède ses propres règles, distinctes du CDI. La rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié n'est possible que dans certains cas de figure : accord avec l'employeur, embauche en CDI, faute grave, faute majeure, inaptitude. Si le salarié rompt son contrat de travail pour un autre motif, il n'a pas droit à l'allocation chômage, et doit en plus verser des dommages et intérêts à son employeur (article L1243-1 du Code du travail).
Bon à savoir : quelle que soit la nature du contrat de travail (CDD ou CDI), l’employeur doit remettre au salarié qui quitte l’entreprise différents documents nécessaires pour s’inscrire au chômage suite à un abandon de poste :
- Un certificat de travail ;
- Une attestation France Travail ;
- Le solde de tout compte ;
- Un état récapitulatif de l'épargne salariale.
Droit au chômage dans le cas d'un abandon de poste durant la période d'essai
La période d’essai est celle pendant laquelle les deux parties d’un contrat de travail, l’employeur et le salarié, peuvent rompre le contrat sans avoir à en donner la raison, ni dédommager l’autre partie.
Le salarié qui ne se rend plus au travail, sans prévenir et sans autorisation, rompt automatiquement la période d’essai. On ne parle pas d’abandon de poste mais cet acte s’apparente lui aussi à une démission. Le salarié n’a pas non plus droit au chômage.
Première publication : mars 2022. Mise à jour le 15 octobre 2024.

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