Peut-on porter un tatouage au travail ?

Josée Pluchet

Avoir un tatouage peut-il avoir des conséquences dans le monde professionnel, sur votre situation au travail, dans le cadre d’un recrutement ou d’une évolution professionnelle ? Aucun texte de loi ne mentionne explicitement les tatouages, et la jurisprudence est rare en la matière. Toute discrimination liée à l’apparence physique est interdite par la loi. Mais des restrictions raisonnables, posées pour le bien de l’entreprise, sont possibles. Il faudra donc analyser chaque situation au cas par cas. Faut-il cacher ses tatouages au travail ? Peut-on être licencié à cause d’un tatouage ? Qu’en est-il des piercings ? Cadremploi vous dit tout.
Peut-on porter un tatouage au travail ?

Faut-il cacher son tatouage au travail ?

Aucun texte de loi ne mentionne les tatouages au travail. Mais des raisonnements peuvent être tenus par analogie.

Le tatouage est intégré au corps même de la personne, il est un prolongement de la personne et en cela il influe sur son apparence physique.

L’article L 1132-1 du Code du travail interdit toute discrimination au travail et dispose notamment que « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (...) en raison (...) de son apparence physique.

Il n’est pas permis d’être licencié à cause de son apparence physique, et donc, même si le texte ne le mentionne pas explicitement, à cause d’un tatouage. Si le salarié estime qu’il a été sanctionné du fait de son tatouage, il devra en apporter la preuve.

Par exemple, la Cour de cassation a jugé discriminatoire le licenciement prononcé au motif qu’un restaurant gastronomique ne pouvait tolérer le port de boucles d’oreilles sur un homme (Chambre sociale, 11 janvier 2012, n° 10-28213).

Est-ce que je peux être licencié à cause de mon tatouage ?

Tatouage et liberté vestimentaire

Une seconde analogie peut être faite, cette fois-ci avec un vêtement.

Dans un arrêt du 28 mai 2003, n°02-40273, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « si un employeur ne peut imposer à un salarié des contraintes vestimentaires qui ne seraient pas justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché, la liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu du travail n'entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales ».

Cette décision était fondée sur l’article L 1121-1 du Code du travail qui dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. ».

Il en découle qu’en présence d’un tatouage incompatible avec les fonctions du salarié et ses conditions de travail, un licenciement peut être justifié. Un employeur peut donc demander à un salarié de cacher son tatouage s’il nuit à l’entreprise, par exemple en déstabilisant les clients.

Attention cependant, le Défenseur des droits a rappelé dans une décision cadre du 2 octobre 2019 que « les considérations générales liées à l’image de l’entreprise privée (…) ne permettent pas, en tant que telles, de justifier des restrictions générales et absolues en matière de tatouage et de piercing. Les employeurs privés et publics doivent dûment justifier le caractère approprié et proportionné de ces restrictions. »

Aussi, chaque situation doit être appréciée au cas par cas. Tout dépendra :

  • de la nature du tatouage (s’agit-il d’une représentation immorale ou choquante, raciste, antisémite, sexiste ?),
  • de son emplacement,
  • du poste du salarié  (confrontation ou non avec le public),
  • du secteur d’activité, de la culture d’entreprise.

Tatouage et règlement intérieur

Le règlement intérieur de l’entreprise peut tout à fait prévoir un code vestimentaire au sein de l’entreprise à condition que ces restrictions soient justifiées par la nature de l’emploi et de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (article L 1321-2-1 du Code du travail).

Air France par exemple exige des candidats à l’embauche une "présentation soignée" et souligne que "le manuel des règles du port de l'uniforme n'autorise pas les tatouages ou piercings visibles pour le personnel naviguant".

Ne pas respecter ces prescriptions constitue alors une faute disciplinaire qui est sanctionnable.

Barbe et piercings au travail

La question du piercing peut être traitée par analogie avec celle de la tenue vestimentaire (voir plus haut).

Concernant le port de la barbe au travail, la jurisprudence est foisonnante. Aujourd’hui, on peut dégager quelques tendances :

  • En principe, l’interdiction des discriminations fondées sur l’apparence physique protège les salariés contre une interdiction de porter la barbe ;
  • Cependant, des restrictions sont possibles, si elles sont fondées sur l’hygiène, la santé et la sécurité (activités de démantèlement et de logistique nucléaire, de désamiantage...).

Concernant la barbe considérée comme signe religieux, nous vous renvoyons à notre article sur les signes religieux au travail.

 

 

Josée Pluchet
Josée Pluchet

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.

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