Qu’est-ce qu’un licenciement pour faute simple ?

Josée Pluchet

Le licenciement est un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur. Il peut être prononcé pour un motif économique ou pour un motif personnel, c’est-à-dire inhérent à la personne du salarié. Parmi les motifs personnels de licenciement, on distingue les motifs non-disciplinaires et les motifs disciplinaires (liés à une faute). Selon la gravité des faits, la faute est simple, grave ou lourde. Qu’est-ce qu’une faute simple ? Peut-elle être sanctionnée par un licenciement ? Selon quelle procédure ? Quelles seront les conséquences pour le salarié ? Zoom sur le licenciement pour faute simple.
Qu’est-ce qu’un licenciement pour faute simple ?

Qu’appelle-t-on licenciement pour faute simple ?

Qu’est-ce qu’une faute simple ?

Le salarié commet une faute lorsqu’il ne respecte pas les obligations qui lui incombent en application de son contrat de travail. La faute correspond à un comportement ou à des actes fautifs du salarié dans la réalisation de son travail.

En fonction de la gravité des faits, on distingue trois types de fautes :

  • La faute simple ou légère
  • La faute grave
  • La faute lourde, qui implique une intention de nuire à l’entreprise

La faute simple correspond donc au premier degré de faute. Légère, elle ne présente pas de gravité suffisante pour mettre fin de manière immédiate à la relation de travail (contrairement à la faute grave et à la faute lourde).

La jurisprudence a apporté plusieurs précisions sur la faute simple :

  • Le salarié ne peut être fautif que si la faute a été commise lors de l’exécution du contrat de travail (Cour de cassation, chambre sociale, 31 mai 2005, n° 03-40439) ;
  • Le comportement fautif du salarié n’est pas nécessairement intentionnel. Contrairement à la faute lourde, la caractérisation de la faute simple ne nécessite pas de démontrer une intention de nuire à l’entreprise ;
  • Les faits reprochés doivent être personnellement imputables au salarié concerné (Cour de cassation, chambre sociale, 7 décembre 1993, ° 92-43908).

La faute simple motif de licenciement

Le licenciement pour faute est un licenciement disciplinaire. Comme tout licenciement, il doit reposer sur une cause réelle et sérieuse (article L 1232-1 du Code du travail). La faute simple peut constituer cette cause réelle et sérieuse de licenciement.

C’est l’employeur, au titre de son pouvoir disciplinaire, qui décide de ce qui constitue ou non une faute, qui la qualifie, et la sanctionne.

La gravité de la sanction doit être proportionnelle à la gravité de la faute. Le licenciement ne sera envisagé que si la faute est suffisamment importante et sérieuse pour empêcher la poursuite du contrat de travail, et donc constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. L’employeur devra disposer de preuves objectives, vérifiables et suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail.

Bon à savoir : l’employeur a toujours la possibilité de se tourner vers une sanction plus légère (blâme, avertissement, mise à pied disciplinaire)

Exemples de fautes simples justifiant un licenciement

Voici une liste non-exhaustives de comportements qui peuvent constituer une faute simple entraînant un licenciement :

  • La désobéissance aux ordres d’un supérieur hiérarchique (pour un refus de venir travailler un samedi, de manière exceptionnelle : Cour de cassation, chambre sociale, 27 novembre 1991, n° 88-44110) ;
  • Des absences injustifiées, un abandon de poste ;
  • Des retards répétés ;
  • Des négligences professionnelles ;
  • Un comportement inapproprié (consultation abusive de sites internet personnels durant le temps de travail par exemple) ;
  • Une tenue vestimentaire inappropriée ;
  • Des propos injurieux, un abus de la liberté d’expression.

Dans certaines circonstances, l’employeur ne pourra pas licencier pour faute simple :

  • Lorsque le salarié exerce une liberté fondamentale (liberté syndicale, droit de grève, droit de retrait...) ;
  • Lorsque le salarié a témoigné de faits de harcèlement moral ou sexuel et plus généralement de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime ;
  • Lorsque le salarié bénéficie d’une protection contre le licenciement pour faute simple :
  • La salariée enceinte ou en congé maternité (article L 1225-4 du Code du travail)
  • Le salarié en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle (sauf impossibilité objective de maintenir le contrat de travail) 
  • Le salarié « protégé » (représentant du personnel, représentant syndical...).

Quelles indemnités de licenciement pour faute simple ?

Quelles sont les conséquences du licenciement pour faute simple pour le salarié ?

L’indemnité de licenciement pour faute simple

Tout salarié ayant plus de 8 mois d’ancienneté ininterrompue (article L 1234-9 du code du travail) dans l’entreprise a droit à l’indemnité légale de licenciement (ou à l’indemnité contractuelle ou conventionnelle si elle est plus favorable).

Le montant de l’indemnité est calculé à partir de la rémunération brute du salarié avant son licenciement (article L. 1234-9 du Code du travail)

Selon les articles R 1234-1 et suivants du Code du travail, l’indemnité légale de licenciement ne peut pas être inférieure à :

  • 1/4e de mois de salaire par année d’ancienneté, pour les années jusqu’à 10 ans,
  • et 1/3 mois par année d’ancienneté pour les années au-delà de 10 ans.

En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Exemple de calcul de l’indemnité légale de licenciement pour faute simple :

Un salarié touche au jour de son licenciement une rémunération brute de 2 000 €. Il travaille depuis 18 ans, 3 mois et 4 jours dans l’entreprise.

Le montant I de l’indemnité minimale de licenciement est calculé ainsi :

I = (2 000 x ¼ x 10) + (2 000 x ⅓ x 8) + (2 000 x ⅓ x ¼)

I = 10 500 €

Bon à savoir : le salarié licencié pour faute grave ou faute lourde ne bénéficiera pas d’indemnité de licenciement.

L’indemnité compensatrice de congés payés

Si le contrat de travail est rompu avant que le salarié n’ait pris tous les congés payés qu’il avait acquis, ce dernier a droit à une indemnité compensatrice de congés payés (article L3141-28 du Code du travail).

L’indemnité est égale à 1/10ème du salaire perçu durant la période de référence, ou bien à la rémunération que le salarié aurait perçu s’il avait travaillé (c’est la méthode de calcul la plus favorable au salarié qui sera retenue).

Indemnité compensatrice de préavis

Elle est versée lorsque le salarié est dispensé de préavis (article L 1234-5 du Code du travail).

Son montant est égal aux salaires (incluant tous les avantages) qu’il aurait dû percevoir s’il avait effectué son préavis.

Bon à savoir : un licenciement pour faute grave ou faute lourde implique le départ immédiat du salarié, sans indemnité de préavis.

Droit en chômage en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse

Un salarié licencié pour faute simple, s’il justifie d’une durée d’affiliation suffisante, peut percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) après son licenciement.

Il ne faut pas négliger les conséquences d’un licenciement pour faute sur l’obtention d’un nouvel emploi. Le salarié ne doit pas hésiter à prendre conseil auprès de Pôle Emploi, pour bénéficier de formations, et construire un nouveau projet professionnel.

Procédure de licenciement pour faute simple

Comme tout licenciement, le licenciement pour faute simple obéit à des règles procédurales précises.

Le licenciement disciplinaire présente quelques particularités, mais suit les grandes étapes de la procédure de licenciement pour motif personnel fixées aux articles L 1232-2 à L 1232-6.

En premier lieu, l’employeur qui souhaite licencier doit qualifier la faute. Pour cela, il doit appréhender la situation dans sa globalité, en tenant compte par exemple de l’ancienneté, de ses habitudes de travail, de son passé disciplinaire...

Prescription de la faute simple

L’article L 1332-4 du Code du travail prévoit que les faits fautifs se prescrivent par deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

L’employeur dispose donc d’un délai de 2 mois pour sanctionner la faute à compter du moment où il en a connaissance. La procédure de licenciement doit donc être entamée dans les 2 mois, sous peine de prescription.

Le délai de la procédure de licenciement peut se voir rallongé :

  • lorsque dans ce même délai, des poursuites pénales sont engagées ;
  • lorsque l’employeur engage une enquête ou un audit : le délai de deux mois démarre alors au moment où le salarié est informé des résultats de l’enquête.

Convocation du salarié à un entretien préalable

La convocation à l’entretien préalable adressée par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge contient :

  • la date, l’heure et le lieu de l’entretien (au minimum 5 jours après la présentation de la convocation) ;
  • l’objet de l’entretien ;
  • la possibilité pour le salarié de se faire assister par un conseiller extérieur à l’entreprise ou par un autre salarié ;
  • les coordonnées de la mairie ou de l’inspection du travail auprès de qui le salarié pourra avoir accès à la liste départementale des conseillers.

Bon à savoir : pour éviter la prescription, cette lettre doit être envoyée dans un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance du fait fautif.

Entretien préalable

Au cours de l’entretien préalable, l’employeur expose la faute simple motivant le licenciement, et laisse le salarié lui donner des explications et se défendre.

Notification du licenciement

Au plus tôt 2 jours ouvrables après l’entretien (et au plus tard 1 mois après), l’employeur notifie le licenciement au salarié au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR). La lettre rappelle le motif du licenciement.

Dans les 15 jours de la notification du licenciement, le salarié peut demander des précisions à l’employeur sur le motif du licenciement. La demande se fait par LRAR ou remise contre récépissé et l’employeur a 15 jours pour y répondre par LRAR ou remise contre récépissé.

Préavis en cas de licenciement pour faute simple

En cas de licenciement pour faute simple, le contrat de travail ne prend pas fin immédiatement après la notification du licenciement. Par hypothèse, il n’y a pas eu de mise à pied. L’employeur est tenu de respecter un délai-congé, ou préavis (ce qui n’est pas le cas en cas de faute grave ou lourde).

La durée du préavis est fonction de l’ancienneté du salarié.

La loi prévoit que la durée du préavis ne peut pas être inférieure à 2 mois pour une ancienneté de plus de 2 ans, et à 1 mois pour une ancienneté comprise entre 6 mois et 2 ans. Ces minimaux peuvent être augmentés par la convention collective, l’usage ou le contrat de travail.

Le délai de préavis est préfix : il ne peut être ni interrompu ni suspendu, sauf en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident professionnel ou en cas de prise de congés payés.

Bon à savoir : si l’employeur dispense son salarié d’exécuter son préavis, il versera à ce dernier une indemnité compensatrice de préavis (voir ci-dessus).

Remise des documents de fin de contrat 

L’employeur remet à son salarié les documents de fin de contrat :

  • Certificat de travail,
  • Solde de tout compte (avec son salaire arrêté à la fin du préavis),
  • Attestation Pôle Emploi.

Licenciement pour faute simple ou rupture conventionnelle ?

Alors que le licenciement est une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, la rupture conventionnelle est un mode de rupture « d’un commun accord » (article L 1231-1 du Code du travail).

Elle présente l’avantage pour le salarié d’éviter la perte de confiance en soi fréquemment ressentie suite à un licenciement, spécialement pour faute. Il percevra les mêmes indemnités qu’en cas de licenciement et pourra également toucher les allocation chômage.

Néanmoins, dans le cadre d’une rupture conventionnelle, l’employeur n’a pas besoin de motiver la rupture, et donc de démontrer une faute, cause réelle et sérieuse de licenciement. De ce fait, il n’y aura pas de possibilité de contester ce qui pourrait être un « licenciement sans cause réelle et sérieuse déguisé » 

Un salarié qui conteste la motivation de la rupture du contrat a donc tout intérêt à se faire licencier, afin de pouvoir saisir le conseil des prud’hommes et d’obtenir des dommages et intérêts pour « licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

Abandon de poste et licenciement pour faute simple

Lorsqu’un salarié quitte son poste de travail de manière prolongée, sans justifier son absence, sans prévenir son employeur ni indiquer une date de retour, on parle d’abandon de poste.

Le plus souvent, l’objectif du salarié qui abandonne son poste est d’obtenir un licenciement, et donc de toucher des allocations chômage, auxquelles il n’aurait pas droit s’il démissionnait. 

L’abandon de poste constitue une faute, puisque l’employé n’exécute pas la prestation pour laquelle il a été embauché. L’employeur peut donc déclencher une procédure disciplinaire.

Mais la qualification de la faute n’est pas précise, elle dépend du comportement de l’employeur (qui ne doit pas être lui-même fautif), de l’importance de la désorganisation engendrée par l’absence, du comportement antérieur du salarié, de ses fonctions, et de son ancienneté (Cour de cassation, chambre sociale, 7 mars 2006, n° 04-43782).

Il s’agira d’une faute grave si elle entraîne une désorganisation préjudiciable à l’entreprise. En outre, si l’employeur veut obtenir un licenciement pour faute grave il devra déclencher la procédure rapidement : la jurisprudence estime qu’au-delà d’un délai de 6 semaines la gravité de la faute n’est plus manifeste (Cour de cassation, chambre sociale, 6 décembre 2000, pourvoi n° 98-43441)

Si la faute est qualifiée de simple le salarié bénéficiera d’un préavis (ou d’une indemnité compensatrice de préavis), et de l’indemnité de licenciement, ce qui ne sera pas le cas en cas de faute grave.

Licenciement pour faute simple en CDD

Dans le cadre d’un licenciement de contrat à durée déterminée (CDD), on ne parle pas de licenciement mais de rupture anticipée.

La rupture anticipée est possible pour faute grave ou lourde.

En présence d’une faute simple, la seule possibilité sera une rupture d’un commun accord.

Contestation du licenciement pour faute simple

On l’a vu, l’appréciation de la faute, et sa qualification sont subjectives. Le salarié licencié pour faute simple peut contester son licenciement devant le Conseil des prud’hommes en arguant que la faute n’existait pas.

Le délai pour saisir le conseil des prud’hommes est de 12 mois à compter de la notification du licenciement (article L 1471-1 du Code du travail).

Chaque partie apporte des éléments de preuve (attestations de témoins, audit, enquête interne, ...) pour appuyer ses prétentions, et le juge peut demander toute mesure d’instruction qu’il juge utile. En cas de doute, il profite au salarié (article L 1235-1 du Code du travail).

Le tribunal peut décider :

  • De maintenir le licenciement ;
  • que la sanction n’est pas adaptée : une nouvelle sanction est alors appliquée, d’un degré moindre que le licenciement ;
  • que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et ordonner la réintégration du salarié ou lui accorder une indemnisation.

Le salarié peut ainsi obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En cas de licenciement injustifié, le montant des dommages et intérêts alloués au salarié en réparation du préjudice subi, est déterminé en fonction du « barème Macron » institué en 2017, à l’article L 1235-3 du code du travail. Ce barème fixe un montant minimum et un plafond maximum. Il fait varier le montant des dommages et intérêts en fonction de la taille de l’entreprise, et de l’ancienneté du salarié.

Josée Pluchet
Josée Pluchet

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.

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