Quand et comment votre employeur peut-il pratiquer une retenue sur salaire ?

Josée Pluchet

Inexécution du travail, détérioration du matériel, dettes diverses, ... nombreuses sont les raisons qui pourraient inciter un employeur à retenir tout ou partie du salaire de son salarié. Mais le salaire a un caractère alimentaire. Pour cette raison, la pratique de la retenue sur salaire, si elle est autorisée, est très encadrée par la loi. Elle ne peut être pratiquée que dans certaines circonstances, et même si l’employeur est fondé à opérer une retenue sur salaire, cette retenue doit rester proportionnelle et limitée. Dans quels cas la retenue sur salaire est-elle possible ? Comment l’employeur doit-il procéder ? Quelles sont les sommes qui peuvent être déduites du salaire ? Cadremploi fait le tour de la question.
Quand et comment votre employeur peut-il pratiquer une retenue sur salaire ?

Qu’est-ce qu’une retenue sur salaire ?

Définition de la retenue sur salaire

Il peut arriver que des sommes soient dues par un salarié à son employeur. Dans certaines circonstances, la loi autorise alors l’employeur à se rembourser en pratiquant une retenue sur salaire, c’est-à-dire en déduisant ces sommes du salaire net.

La retenue sur salaire consiste donc pour l’employeur à retenir une partie des sommes à verser à son salarié au titre de son salaire, directement sur sa fiche de paie.

Bon à savoir : la saisie sur salaire, quant à elle, est une procédure judiciaire qui permet à un créancier de recouvrer des sommes qui lui sont dues.

Même l’employeur ne peut pas retenir ces sommes - qui ont un caractère alimentaire- en dehors du cadre prévu par la loi et la jurisprudence.

Dans quelles circonstances une retenue sur salaire est-elle possible ?

Si un salarié a des dettes envers l’entreprise, l’employeur peut les déduire de son salaire. 

Ainsi, « la retenue opérée par un employeur sur le salaire en raison de l'absence du salarié et à proportion de la durée ne constitue pas une sanction disciplinaire » (Cour de cassation, chambre sociale, 21 mars 2012, n° 1021097), ; elle est donc légale. Ceci vaut pour une absence injustifiée, un retard, un salarié en grève, suite une mise à pied, ... En effet, le contrat de travail est un contrat synallagmatique : l’employeur verse une rémunération en échange d’un travail. Si le travail n’est pas exécuté, l’employeur n’a pas l’obligation de rémunérer son salarié.

L’employeur peut également retenir le salaire de son salarié lorsque ce dernier est débiteur d’une somme d’argent envers lui. Il y a alors compensation, au sens de l’article 1347 du Code civil. Pour cela, il faut que la dette soit fongible, certaine, liquide et exigible.

On peut citer à titre d’exemple :

  • un trop perçu de salaire, ou au titre d’un maintien de rémunération (maladie, repos-compensateur de remplacement,...);
  • un trop-perçu lié à l’acquisition de tickets-restaurants ;
  • des sommes dues par le salarié en application d’une clause de dédit-formation
  • des sommes versées au titre d’une transaction finalement annulée.

Bien entendu, une retenue sur salaire peut être effectuée dans le cadre d’une saisie sur salaire ordonnée par le juge (en présence d’un titre exécutoire)

Quelles sont les retenues sur salaire illégales ?

En application de l’article L 1331-2 du Code du travail, auquel on ne peut pas déroger, « les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites ». L’employeur ne peut donc pas effectuer de retenue sur salaire pour sanctionner un salarié, même en raison d’une mauvaise exécution de ses obligations contractuelles.

Il ne peut pas non plus retenir des accessoires du salaire (primes, avantages en nature... (Cour de cassation, chambre sociale, 23 juin 2010, n° 09-40825).

S’il contrevient à ces règles, l’employeur risque une amende de 3 750 € (article L 1334-1 du Code du travail).

Par ailleurs, le mécanisme de la compensation ne s’applique pas dans les cas suivants :

  • En réparation d’un préjudice suite à un agissement du salarié durant son travail. Pour obtenir un dédommagement sous forme de dommages et intérêts, l’employeur pourra agir en justice en responsabilité civile.
  • Pour obtenir le remboursement de dettes du salarié indépendantes du contrat de travail.
  • Selon l’article L3251-1 du Code du travail, « l'employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature ». Cependant, par dérogation, une compensation entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l'employeur peut être opérée dans les cas de fournitures suivants :

o  Outils et instruments nécessaires au travail ;

o  Matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l'usage ;

o  Sommes avancées pour l'acquisition de ces mêmes objets.

Ainsi, si le salarié endommage du matériel de l’entreprise, le cout du rachat ou de la réparation pourra être retenu. Mais cette dérogation ne s’applique qu’en cas de faute lourde (Cour de cassation, chambre sociale, 20 avril 2005, 03-40069).

  • Enfin, l’article L 3251-4 du Code du travail prévoit qu’ « Il est interdit à l'employeur d'opérer des retenues d'argent sous la dénomination de frais ou sous toute autre dénomination pour quelque objet que ce soit, à l'occasion de l'exercice normal de leur travail dans les secteurs suivants :

Hôtels, cafés, restaurants et établissements similaires ;

Entreprises de spectacle, cercles et casinos ;

Entreprises de transport. »

Comment fonctionne la retenue sur salaire ?

La mise en œuvre de la retenue sur salaire doit respecter certaines règles.

Quel salaire retenir en cas d’absence du salarié ?

La retenu sur salaire doit être calculé en multipliant la rémunération horaire par le nombre d’heures de travail manquées dans le mois.

Exemple :

Un salarié gagne 2 000 € par mois. Il travaille 157 heures par mois. Il a été absent 3 jours, soit 24 heures.

La retenue sera égale à 24 X (2 000/157) soit 305 €. 

Comment faire jouer la compensation pour opérer une retenue sur salaire ?

En premier lieu, si l’employeur entend effectuer une compensation entre une partie du salaire et une dette du salarié à son égard, il doit l’invoquer (article 1347 du Code civil).

En clair, il lui faudra indiquer expressément sur la fiche de paie :

  • le fait que cette retenue de salaire a lieu à titre de compensation
  • et le motif de celle-ci.

La compensation s’effectuera à due concurrence, c’est-à-dire jusqu’à l’extinction de la dette.

Quel montant l’employeur peut-il retenir sur votre salaire ?

Le salaire a un caractère alimentaire et à ce titre il est protégé. Il ne peut pas faire l’objet d’une saisie, d’une cession ou d’une retenue au-delà de certaines limites fixées par la loi.

Bon à savoir : nais l’employeur peut retenir intégralement une indemnité de licenciement par exemple, puisqu’elle n’a pas la nature de salaire (Cour de cassation, chambre sociale, 23 juin 1988, n° 85-44158).

Est-il possible de faire une compensation d’avances en espèce ?

L’article 3251-3 du Code du travail prévoit que « l'employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu'il a faites, que s'il s'agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles. »

Notez que tous les éléments de salaire sont compris pour le calcul du salaire net (indemnité de préavis, indemnité compensatrice de congés payés, prime...).

Ces avances peuvent consister en un trop-perçu sur rémunération dans le cadre d’une annualisation du temps de travail, en un prêt consenti par l’employeur à son salarié...

Bon à savoir : les acomptes sur salaire (qui correspondent à la rémunération d’un travail déjà effectué) ne sont pas considérés comme des avances.

Comment s'effectue la compensation des autres dettes ?

« La compensation entre la créance de l'employeur et la créance salariale ne peut s'appliquer que sur la fraction saisissable du salaire » (Cour de cassation, chambre sociale, 27 septembre 2012, 11-21926).

Cette fraction saisissable est définie dans des proportions et selon des seuils fixés à l’article R 3252-2 du Code du travail :

  • 1/20ème, sur la tranche inférieure ou égale à 3 870 € par an (ou 322,5 € par mois) ;
  • 1/10ème, sur la tranche supérieure à 3 870 € et inférieure ou égale à 7 550 € (ou 629,17 € par mois) ;
  • 1/5ème, sur la tranche supérieure à 7 550 € et inférieure ou égale à 11 250 € (ou 937,50 € par mois) ;
  • 1/4, sur la tranche supérieure à 11 250 € et inférieure ou égale à 14 930 € (ou 1 244,17 € par mois) ;
  • 1/3, sur la tranche supérieure à 14 930 € et inférieure ou égale à 18 610 € (ou 1 550,83 € par mois);
  • 2/3, sur la tranche supérieure à 18 610 € et inférieure ou égale à 22 360 € (ou 1 863,33 € par mois);
  • la totalité, sur la tranche supérieure à 22 360 €.

Ces seuils sont augmentés de 124,17 euros par personne à charge, sur présentation des justificatifs.

La fraction saisissable du salaire est obtenue en additionnant les montants saisissables sur chaque tranche de salaire. Ainsi, le montant maximum qui peut être retenu mensuellement est de :

  • 16,13 € (322,50/20) pour un salaire annuel inférieur à 3 870 € ;
  • 46,79 € [16,13 + (629,17-322,50)/10] pour un salaire annuel inférieur à 7 750 € ;
  • 108,46 € pour un salaire annuel inférieur à 11 250 € ;
  • 185,13 € pour un salaire annuel inférieur à 14 930 € ;
  • 287,35 € pour un salaire annuel inférieur à 18 610 € ;
  • 495,68 € pour un salaire annuel inférieur à 22 360 € ;
  • 495,68 € plus 100% du revenu supérieur à 1 863,33 € si votre salaire annuel est supérieur à 22 360 €.

Dans tous les cas, une somme équivalente au RSA (565,34 € au 1er avril 2021) doit être laissée à la disposition du salarié concerné (article R 3252-5 du Code du travail).

Josée Pluchet
Josée Pluchet

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.

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