
Elles témoignent
- Nabila Taguemount, avocate en droit du travail, ex-coach en négociation de départ pour les cadres
- Aude Lhomme-Guinard, avocate en droit social au barreau de Paris
La négociation pour obtenir une rupture conventionnelle peut se faire avant ou après l'envoi d'une lettre de demande de rupture conventionnelle. Idéalement, mieux vaut en parler avant avec son employeur, afin qu'il ne tombe pas des nues en recevant le courrier et que celui-ci soit simplement le point de départ de la procédure officielle. Il reste cependant possible de commencer par l'envoi de la lettre, car un entretien est prévu dans la procédure légale après réception du courrier. Le salarié a alors la possibilité de s'expliquer sur les motivations de son départ.
🟢 Comment négocier une rupture conventionnelle si vous êtes en bons termes avec votre employeur
✅ Soyez direct
Si le rapport à votre employeur est au beau fixe, n’y allez pas par quatre chemins.

Jouez franc jeu. Expliquez que vous souhaitez partir le plus rapidement possible afin de vous lancer dans un projet de reconversion professionnelle. Vous avez passé de très belles années dans l’entreprise, vous y avez beaucoup appris. Votre manager vous a donné envie de vous investir. Et que justement, il est temps pour vous de voler de vos propres ailes. Mais pour assurer vos arrières, une rupture conventionnelle vous permettrait de toucher les allocations chômage et les indemnités vous permettraient de démarrer plus sereinement votre nouvelle activité.Nabila Taguemount, avocate en droit du travail, ex-coach en négociation de départ pour les cadres
✅ Promettez la discrétion
Évidemment, pour rassurer votre employeur, précisez bien que vous resterez discret sur les termes de cette rupture conventionnelle.
« Outre le coût du forfait social sur les indemnités qui freine les employeurs, ces derniers craignent également l’effet boule de neige. Ils hésitent donc à créer des précédents », ajoute-t-elle.
🔴 Comment négocier une rupture conventionnelle si vous n’êtes pas en bons termes avec votre employeur
🔴 Ne pas confondre raisons et arguments
Vous avez beaucoup encaissé :
- des horaires à rallonge,
- un management défaillant voire malveillant,
- des tâches sans valeur ajoutée,
- pas de promotion,
- pas d’augmentation,
- pas de stratégie à long terme dans la boite…
Vous n’en pouvez plus (la prochaine étape serait peut-être un burn out) et vous souhaitez quitter le navire avant qu’il ne soit trop tard.
Ce sont vos raisons, mais en aucune façon des arguments audibles par votre employeur. Surtout si, malgré votre mal-être au travail, vous êtes un élément qui compte dans l’organisation et que beaucoup de choses reposent sur vous. En résumé, votre employeur n’a pas forcément envie de vous voir partir. Et encore moins de vous payer des indemnités pour votre départ via une rupture conventionnelle.
🔴 L’argument du contentieux
Pour le convaincre, il va falloir lui donner l’impression que vous lui faites une fleur en proposant une rupture conventionnelle car vu la solidité de votre dossier, vous auriez tout à gagner à le trainer aux prud’hommes. Magnanime, vous préférez lui proposer une rupture à l’amiable.
L’idée n’est pas de le menacer mais de sous-entendre que vous avez des éléments tangibles pour aller au contentieux et que donc, la rupture conventionnelle est dans son intérêt.Nabila Taguemount, avocate en droit du travail.

« Une résiliation judiciaire d’un contrat de travail n’est pas bon pour l’image d’une entreprise. Surtout si elle cherche à attirer de nouveaux talents. De même, cela prend du temps à l’employeur de rechercher les pièces et les preuves à verser au dossier. Le salarié doit insister sur le fait que la rupture est de toute évidence la meilleure solution pour les deux parties », renchérit Aude Lhomme-Guinard, avocate en droit social au barreau de Paris.
🔴 Produire des pièces
Ensuite, si le premier coup de pression ne fonctionne pas, vous pouvez produire certaines pièces comme des mails contenant des propos malveillants, des documents attestant que l’on vous demandait de travailler jusqu’à pas d’heure ou que votre charge de travail ne vous laissait pas le choix…
🔴 L’argument du préavis économisé
« Mettez également en avant qu’avec une rupture conventionnelle, votre employeur n’aura pas trois mois de préavis à vous payer. Et plus tôt vous partirez, moins vous risquez d’être démotivé et de démotiver le reste de l’équipe. Voire de mettre une sale ambiance », ajoute-t-elle.
🔴 Votre "arme fatale" : l’argument du forfait jours
Enfin, si vous êtes au forfait jours, vous avez également un gros coup à jouer.
« Le dispositif du forfait jours impose un certain nombre d’exigences pas toujours bien respectées par les employeurs. Par exemple, tous les types de cadres ne sont pas éligibles au forfait jours et certaines entreprises ne s’embarrassent pas de telles contingences. De même, dans le cadre de ce forfait jours, elles doivent tenir un décompte précis des jours de travail et mener un entretien annuel pour s’assurer que la charge de travail est raisonnable. Ce qu’elles ne font en général pas… Ces manquements à la loi rendent inopposable le forfait jours. Et on revient alors au régime des 35 heures avec des heures supplémentaires à payer. Et autant dire qu’un cadre au forfait jours fait un grand nombre d’heures supp. Aux Prud’hommes, le rappel du paiement des heures supplémentaires pourrait être considérable », détaille Nabila Taguemount.
Sans dévoiler toutes vos cartes, dans la négociation avec votre employeur, glissez que vous vous êtes renseigné sur le forfait jours et que visiblement, il n’a pas respecté toutes les règles. Insistez particulièrement sur le temps et la charge de travail. Deux motifs qui pourraient faire mouche aux Prud’hommes et qui pourraient donc amener votre employeur à finalement accepter de signer une rupture conventionnelle.

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Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.