
Trois recruteurs témoignent :
- Charlotte Gouiard, responsable RH Tech & Expérience candidats chez Mazars
- Frédéric Faye, DRH du Groupe Apicil
- Nawel Ouannassi, responsable recrutement et mobilité interne chez ADP
Charlotte Gouiard : « Nous faisons attention aux mots que nous utilisons »

Charlotte Gouiard, responsable RH Tech & Expérience candidats chez Mazars
« Chez Mazars, nous donnons systématiquement un feedback par téléphone aux candidats que nous avons reçus en entretien, qu’ils soient cadres comme non cadres. Nous abordons à la fois leurs points forts et leurs axes d’amélioration, c’est-à-dire ce qui a péché dans leur candidature. J’ai l’impression que c’est quelque chose d’assez inhabituel dans la sphère du recrutement.
Pour la majorité des candidats, c’est souvent une première d’être recontacté de la sorte par un recruteur.
Généralement, ils sont à l’écoute et veulent qu’on s’appuie sur des éléments factuels pour justifier notre décision. Nous nous basons donc sur le compte-rendu d’entretien ainsi que sur les résultats de la résolution de cas pratiques pour argumenter. Certains vont même jusqu’à demander une nouvelle chance après avoir été débriefé !
À l’inverse, certains candidats le prennent mal, certainement parce qu’ils ont besoin de « digérer » la réponse négative. Ils ne sont pas vindicatifs pour autant. Mais lorsque les remarques touchent à leur personnalité par exemple, c’est plus difficile à entendre pour eux. Dans tous les cas, nous faisons attention aux mots que nous utilisons. Lorsqu’un candidat s’est trop bien vendu ou est trop sûr de lui, nous lui rappelons par exemple que nos métiers sont ceux du conseil et qu’ils nécessitent une posture basse, de l’empathie, de l’écoute. Nous ne parlons pas de « manque d’humilité » mais de « maladresse dans la manière de se mettre en avant ». Chaque mot est choisi avec soin et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle seule l’équipe RH est autorisée à réaliser ce feedback. Les opérationnels n’ont pas tous cette neutralité et cette faculté à arrondir les angles. »

Lire aussi le témoignage de Guillaume Saintagne, directeur du recrutement de Mirakl
Chez Mirakl, l’importance de l’entretien de debrief (De 38’48 à 41’45)
Frédéric Faye : « Le feedback fonctionne dans les deux sens »

Frédéric Faye, DRH du Groupe Apicil
« Nous répondons à tous les candidats qui nous envoient leurs candidatures. Pour autant, nous donnons uniquement un feedback à ceux qui ont atteint la short-list et, bien sûr, à ceux qui nous le demandent. C’est important pour nous de fermer la porte élégamment aux candidats que nous ne retenons pas dans la mesure où notre réputation d’employeur est en jeu ! Lorsque nous réalisons un feedback, nous avons quatre objectifs : annoncer la réponse sans détour, expliquer les raisons de notre refus, répondre aux questions et reformuler nos arguments. Souvent, nous rappelons les qualités et les aptitudes importantes attendues pour le poste et nous expliquons comment le profil du candidat se positionne vis-à-vis d’elles.
C’est plus délicat lorsqu’il s’agit d’expliquer que le candidat ne matche pas avec l’équipe en place ou les valeurs de l’entreprise, par exemple.
Ceux qui nous donnent du fil à retordre, ce sont souvent les candidats sûrs d’eux, qui n’écoutent pas. Nous veillons à ne pas les froisser car à l’ère du numérique et de l’e-réputation, une simple erreur de langage peut avoir des répercussions terribles sur notre marque employeur.
Ce qu’on oublie souvent, c’est que le feedback fonctionne dans les deux sens. Lorsque nous téléphonons aux candidats pour leur expliquer notre refus, nous collectons, à notre tour, leurs impressions sur leur expérience de recrutement. Ce n’est pas courant mais c’est enrichissant pour nous. De cette manière, nous faisons évoluer notre accueil, notre process, notre image. Les profils dans les ressources humaines, la communication ainsi que les commerciaux sont ceux qui partagent le plus leurs ressentis. C’est dans l’ADN de leur métier. »
Nawel Ouannassi : « Nous utilisons la technique du "sandwich" »

Nawel Ouannassi, responsable recrutement et mobilité interne chez ADP
« L’expérience candidat est un sujet important pour nous. À tel point que lorsque nous indiquons, dans notre logiciel de recrutement, qu’un poste est marqué comme pourvu, tous les candidats qui y ont postulé reçoivent un questionnaire qui a pour objectif de récolter leurs avis sur l’expérience qu’ils ont vécue. Toutes les notes en dessous de 9 sur 10 font l’objet d’une analyse approfondie. De notre côté, nous donnons systématiquement un feedback aux 450 à 550 candidats que nous recevons en entretien chaque année. C’est une question de politesse. Nous estimons également qu’un candidat qui ne reçoit pas de feedback ne re-postulera plus dans l’entreprise à l’avenir. C’est donc aussi un pari sur l’avenir. Par téléphone, nous utilisons « la technique du sandwich ».
Cela consiste à débuter les explications par les points forts du candidat, enchaîner avec les axes d’amélioration et terminer par une note positive et encourageante.
Cet échange dure entre 5 et 10 minutes, selon les cas de figure. D’une manière générale, les candidats sont à l’écoute, nous remercient et jugent nos remarques utiles pour leurs prochaines expériences de recrutement. Parfois, lorsqu’on pointe du doigt un trait de leur personnalité comme un manque d’esprit d’équipe, l’échange est toutefois plus difficile, moins fluide. Pour faire passer ce message, nous nous appuyons sur des faits : par exemple le fait qu’un candidat parle à la première personne lorsqu’il est interrogé sur ses dernières réalisations, qu’il se mette trop en avant en occultant son ancienne équipe... »

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.