Les pour
Oui, s'il s'agit d'un alter ego ayant une position hiérarchique équivalente. « Mieux vaut aborder ce sujet dans une relation en tête-à-tête de préférence en dehors du cadre de travail quotidien. Les pauses déjeuners, mais aussi les séminaires, sont souvent propices à ce genre de confidence », observe Philippe Haen, président du cabinet de recrutement Managing. De même, vous pouvez très bien évoquer ce sujet avec un collègue exerçant une fonction très éloignée de la vôtre, car là, pas de risque de comparaison.
Oui, si les règles de calcul des rémunérations sont affichées et transparentes. Chez les commerciaux, tout le monde est, en principe, au courant du fixe de base et des modes de calcul de la part variable. « Dans cette fonction, parler salaire est même souvent un véritable outil de stimulation. Lors d'une convention récente, un grand patron a d'ailleurs cité le nom et la rémunération du meilleur vendeur de l'entreprise. C'est de la motivation par l'exemple. Evidemment, il n'a pas parlé du plus mauvais commercial », raconte Philippe Haen. Les jeunes diplômés sont également très diserts sur la question du salaire. « Normal dans les grandes entreprises, les grilles de salaires en fonction du diplôme et de l'école d'origine sont bien connus par tous. Il y a donc peu d'écart donc peu de risque de conflit », souligne Nicole Prud'homme, directrice du cabinet Talent Management.
Oui, si vous êtes prêt à entendre le salaire des autres. Et à accepter que vous gagnez moins qu'eux. Attention, même s'ils tendent à se réduire, les écarts peuvent être importants et par la suite, vous devrez composer avec ces données. « Certes, cela peut être source de frustration et de démotivation, mais également avoir un effet mobilisateur. Cela permet de se positionner clairement par rapport à son entreprise. Suis-je reconnu ou pas ? En cas de déconvenues, cela peut être un facteur déclenchant pour une mise au point avec son supérieur ou une remise en question », argumente Christine Daoulas, de Talent Management.
Les contre
Non, car en France, tout signe extérieur de richesse est suspect. Contrairement aux Etats-Unis, ceux qui gagnent beaucoup sont décriés et jalousés. Toute réussite demeure suspecte. D'où une certaine discrétion.
Non si vous voulez éviter la guerre de tranchée. Si à poste et formation équivalents, vous gagnez radicalement plus que votre collègue, il risque, en permanence, de vous renvoyer que, vu votre niveau de salaire, vous pouvez bien prendre en charge le surcroit d'activité. Ambiance « guerre de tranchée » assurée !
Non, si vous avez obtenu un job en or et les autres en alu. Si vous savez que l'employeur vous a réservé un traitement de faveur lors de l'embauche car vous êtes un expert hors pair, inutile de vous faire « mousser » auprès de collègues présents depuis plus longtemps et qui n'ont pas bénéficié des mêmes conditions de recrutement. A moins de multiplier les explications. « Par exemple, on argumentant qu'à l'époque, en pleine pénurie de talents, votre salaire correspondait au prix du marché », suggère Philippe Haen.
Non, car le salaire n'est pas toujours le fidèle reflet de la rémunération. Des avantages en nature, des bonus, des systèmes d'épargne salariale, des actions gratuites... viennent étoffer le package de rémunération. Donner votre salaire en pâture, c'est un peu travestir la réalité.
Témoignage
Il a testé l'affichage des salaires
Durant de nombreuses années, chez le fabricant de joints d'étanchéité rhônalpin Techné, l'argent n'était pas un tabou. Au contraire. Deux fois par an, le PDG Georges Fontaines affichait le salaire de tous les collaborateurs. Y compris le sien. But de l'opération : couper court aux commérages et instaurer de la transparence indispensable pour un dialogue social de qualité. Mais depuis un an et demi, fini l'affichage des rémunérations, désormais seules figurent les primes de participation attribuées à chacun. « Cela revient un peu au même car la participation est proportionnelle au salaire. Mais c'est moins frontal », explique le chef d'entreprise. Pourquoi avoir abandonné cette pratique? « En peu de temps, les fourchettes de salaires ont triplé. La jalousie aussi. Les plus gros salaires, notamment les commerciaux payés à la commission, étaient en permanence critiqués car les autres estimaient que cela n'était pas justifié. Les gens ne replacent jamais les choses dans leur contexte. C'était devenu ingérable et très chronophage », rapporte Georges Fontaines qui ne désespère pas de faire machine arrière. Peut-être en expliquant cette fois les règles de rémunération variable des équipes commerciales. A suivre.
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.