La crise peut-elle déringardiser l'entreprise ?

Sébastien Tranchant

A l'heure où l'économie dévisse, l'organisation machiste des entreprises est montrée du doigt. 84 % des Français souhaitent qu'à l'issue de la crise, les femmes soient davantage représentées aux postes stratégiques des entreprises et des institutions.

A l'occasion de la Journée internationale de la femme, le cercle InterElles* débattra le 6 mars des enjeux de la mixité en entreprise à la Cité des sciences et de l'industrie. Vaste question - trop souvent ignorée par nombre de chefs d'entreprises - et qui trouve un écho particulier en ces temps de crise économique. A l'heure où de nombreux experts se relaient dans les médias et appellent de leurs vœux l'instauration de nouvelles règles pour sauver le soldat « capital », les femmes ont-elles une carte à jouer pour vaincre une bonne fois pour toute les préjugés à leur égard ? Oui, répondent les Français qui selon un sondage CSA publié en novembre dans le Figaro Madame sont 84 % à souhaiter qu'à l'issue de la crise « les femmes soient davantage représentées aux postes stratégiques des entreprises et des institutions ». En octobre déjà, une étude du cabinet Mc Kinsey concluait que les femmes contribuent à améliorer la performance organisationnelle de l'entreprise, facteur primordial de croissance...Alors, au pied du mur, va-t-on enfin reconnaître le talent managérial des femmes ?

Les femmes victimes de réflexes managériaux

Pour Fabienne Mignonac, responsable industrialisation chez Air Liquide santé, il faut bien évidemment « attaquer les préjugés et expliquer aux managers  la nécessité d'évoluer car la représentation des femmes dans les entreprises progressent trop lentement. » Selon Fabienne Mignonac qui a étudié de prêt la question des préjugés pour le cercle InterElles, « on reproche souvent aux femmes leur manque de mobilité géographique et leur manque d'autorité. Or, c'est totalement faux. A effectif égal, les femmes ne sont pas moins mobiles ; ni moins autoritaires d'ailleurs, elles sont juste victimes de réflexes managériaux consistant à dire : 'J'ai besoin de quelqu'un pour diriger mes gars'. »

Les femmes seules n'ont pas la réponse à la crise

Brigitte Dumont, directrice du développement et performance des ressources humaines chez Orange, estime qu'en cette période difficile « il est encore plus nécessaire que les actions de diversité ne soient pas mises de côté car se pose tous les jours de façon plus prégnante la question de construire le futur. » Un « management au féminin » serait-il la réponse à la crise ? « Les femmes seules n'ont pas la réponse, nuance Brigitte Dumont. Toutefois, la mise en place de politiques internes à l'entreprise visant à développer la mixité des postes à responsabilité est sûrement un élément de la solution. Le travail en équipe est primordial pour mieux appréhender l'avenir. » 

Il faut encourager l'expression de tous les talents

Une opinion partagée par Catherine Ladousse, responsable marketing et communication Europe de Lenovo, quatrième fabricant mondial d'ordinateurs : « Il faut encourager l'expression de tous les talents et, à mon sens, les femmes possèdent de nombreux atouts à faire valoir en ces temps de crise. » « L'attention portée aux personnes », « l'habitude d'être multitâche », « la sensibilité » mais aussi « le pragmatisme » et « l'application au travail » liés au fait que « les femmes exerçant de hautes responsabilités ont fait de nombreux sacrifices pour en arriver où elles sont », toutes ces valeurs seraient, selon Catherine Ladousse, très importantes pour affronter les difficultés actuelles. « Personnellement, ajoute-t-elle, je trouve l'expression de 'management au féminin' trop subjective et elle ne me convient guère car les hommes aussi possèdent de nombreuses qualités nécessaires à l'entreprise. J'en suis persuadé : une bonne équipe de collaborateurs, ce n'est pas une équipe féminine ou masculine. C'est une équipe mixte dans laquelle chacun peut s'exprimer. » En somme, ce dont le système a besoin c'est un peu plus de « fra-ter-ni-té »...

*Créé en 2001, le Cercle InterElles regroupe neuf entreprises technologiques (Air Liquide, Areva, EDF, Orange, GE Healthcare, IBM France, Lenovo, Schlumberger, Thales) disposant d'un réseau actif de femmes.

Sébastien Tranchant
Sébastien Tranchant

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