Votre employeur a-t-il le droit de baisser votre salaire en raison du Coronavirus ?

Mathilde Hardy

L’épidémie de Covid-19 et les différents confinements imposés mettent à mal l’économie française. Pour pallier aux difficultés financières que subissent certaines entreprises, la diminution des salaires est une piste qui peut être envisagée, ou du moins évoquée, pour les maintenir à flots. Plusieurs entreprises ont annoncé leur intention de partir dans cette voie. Dans ce contexte, votre employeur a t'il le droit de baisser votre salaire en raison du Coronavirus ? La réponse à cette question n’est pas si simple et nécessite de plonger dans les méandres du Code du travail. Cadremploi vous décrypte tout et vous informe sur cette épineuse question.
Baisse de salaire

Non, l’employeur ne peut pas unilatéralement baisser le salaire en invoquant la Covid-19

Le Code du travail protège les éléments essentiels du contrat de travail. Le salaire en fait partie.

Diminution de salaire et accord du salarié

Baisser le salaire d’un salarié, en CDI ou en CDD, revient, pour l’employeur, à modifier unilatéralement le contrat de travail. Or, la rémunération est un élément essentiel du contrat de travail et ne peut être modifiée qu'avec l'accord du salarié. Ce dernier peut donc parfaitement refuser la modification du montant de sa rémunération.

La modification du contrat n'est possible qu'avec l'accord voulu du salarié. Dans les faits donc, rien n’interdit à un employeur de proposer une réduction de salaire en raison des impacts négatifs du Coronavirus sur l’activité de l’entreprise afin de contribuer à l’effort collectif. Il ne pourra la mettre en place qu’avec l’accord express de ce dernier.

Diminution de salaire possible pour certains éléments de la rémunération

On l’a vu, l’employeur ne peux pas baisser unilatéralement la rémunération d’un salarié, sans son accord. Cette règle vaut-elle pour tous les éléments qui composent le salaire ? Qu’entend-on concrètement par salaire ?

La règle selon laquelle l’employeur ne peut baisser le salaire de l’un de ses salariés, en CDI ou en CDD, qu’avec son accord vaut pour le salaire de base (c’est-à-dire le salaire brut avant déduction des cotisations sociales et avant versement des prestations sociales. Il ne comprend ni les primes ni les heures supplémentaires), mais aussi pour les primes inscrites au contrat de travail.

À l’inverse, les éléments de la rémunération qui ne sont pas contractualisés, c'est-à-dire qu'i ne figurent pas dans le contrat de travail mais qui résultent d'un usage ou d'un accord collectif dans l’entreprise, peuvent être unilatéralement baissés par l’employeur, sans l’accord du salarié. Il peut s’agir par exemple d’une prime exceptionnelle ou de la prime de 13e mois. Dans cette hypothèse, l’employeur doit dénoncer ou réviser l’accord d’entreprise avant de procéder à la diminution de revenu. La dénonciation d’un accord suit une stricte procédure.

Diminution de salaire et part variable

Pour la part variable calculée en fonction de l’atteinte d’objectifs, Camille Ventejou, avocat associé du cabinet Flichy Grangé Avocats précise :
« Il est possible que ces objectifs ne soient pas atteints de sorte que le montant du bonus s’en trouvera réduit. De la même manière, une prime au rendement pourrait par exemple ne pas être versée si les conditions de son attribution ne sont pas remplies en raison notamment de la crise sanitaire ».

Oui, l’employeur peut proposer une diminution de la rémunération fondée sur des raisons économiques

Diminution de salaire, raisons économiques et accord du salarié

Dans des circonstances exceptionnelles, l’employeur peut toucher aux éléments essentiels du contrat de travail, comme la rémunération.

Quand la cause de la proposition de l'employeur de diminuer le salaire est économique, ce dernier doit suivre une procédure particulière. L’employeur doit toujours proposer la baisse, et le salarié a le droit de refuser, mais il s'expose dans ce cas à un licenciement économique.

« Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.

A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée » (C. trav., art. L1222-6).

Le refus du salarié de diminuer son salaire, peut entraîner son licenciement si la modification du salaire proposée est motivée par une cause réelle et sérieuse.

Quels sont les motifs économiques réels et sérieux qui peuvent justifier une proposition de baisse de salaire ?

La loi énumère clairement les motifs économiques réels et sérieux qui peuvent justifier une proposition de baisse de salaire. Les motifs sont non inhérents à la personne du salarié. Il s’agit :

« 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise ».

Selon la taille de l’entreprise, le salarié qui refuse une diminution de sa rémunération et qui subit en conséquence un licenciement économique aura droit au contrat de sécurisation professionnelle. Mais aussi de toucher des allocations chômage (V. notre article Le droit au chômage après un licenciement économique).   

Baisse de salaire et Covid

Le Coronavirus, en tant que tel, n’est pas un motif de diminution des salaires. Il faut qu’il ait entraîné un motif économique réel et sérieux.

Diminution de la rémunération et accord de performance collective

Les ordonnances Macron de 2017 ont façonné le dispositif d’accord de performance collective (APC). Il permet d’imposer au salarié une baisse de sa rémunération si un accord d’entreprise ou de groupe est pris en ce sens afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi. La diminution de salaire peut toucher le fixe et le variable, sans descendre en deçà du SMIC et des salaires minima conventionnels. Les difficultés économiques de l’entreprise ne sont pas nécessairement invoquées.  

L’accord de performance économique se substitue au contrat de travail, sans que l’accord du salarié ne soit requis. Si ce dernier s’y oppose, il risque le licenciement pour faute.

Baisse de salaire et chômage partiel

Si dans les faits, les salariés placé en chômage partiel pendant l’épidémie de Coronavirus ont constaté une perte de salaire, si l’entreprise n’abonde pas, ce n’est pas son objectif premier. Il a pour vocation un maintien de rémunération quand bien même l’activité de l’entreprise ne peut pas être maintenue.

Puis-je proposer moi-même une baisse temporaire de mon salaire pendant la crise sanitaire ?

L'idée vous semble saugrenue ? Pourtant certains cadres dirigeants dont les rémunérations sont les plus élevées étudient cette option notamment dans les entreprises les plus fragilisées par la crise sanitaire. Ils démontrent par ce geste une forme de solidarité en proposant une réduction de leur salaire afin de contribuer concrètement à la pérennité (voire à la survie) de l'entreprise dans laquelle ils travaillent.

La réponse de Maitre Ventejou

« Oui, rien ne vous interdit de proposer une réduction de votre salaire afin de contribuer à l’effort collectif. Dans cette hypothèse, il faudra alors acter avec l’employeur le caractère temporaire de cette réduction en précisant expressément la durée et le nouveau montant de la rémunération. Ce dernier ne doit pas être inférieur au Smic ou au salaire minimum prévu par la convention collective », précise tout de même Maitre Ventejou.

Propos recueillis par Sylvie Laidet

Mathilde Hardy
Mathilde Hardy

Je suis rédactrice web SEO et fondatrice de l’agence Les Nouveaux Mots. J'ai à cœur de rédiger des articles fiables et complets sur les sujets emploi, éducation, immobilier, argent et droit, notamment à destination des lecteurs de Cadremploi, grâce à mon expertise de 10 ans sur ces sujets.

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