"Je suis homo, et après ?"

Pascale Kroll

Gilles est homosexuel et le vit sereinement. Au boulot toutefois, c'est autre chose car le sujet reste souvent tabou. Son choix assumé : rester discret. Témoignage.

 

« A la machine à café, les blagues sur les pédés sont progressivement devenues des blagues sur les homosexuels puis elles ont disparu. Je ne suis pas dupe : l'information sur ma situation avait dû circuler. »

Gilles *, 40 ans, chargé d'affaires dans une banque du sud est de la France depuis quinze ans, en sourit encore. Homosexuel, vivant en couple, il a fait son coming-out auprès de sa famille et ses proches. Dans le milieu professionnel, il choisit la discrétion.

Tant qu'on reste discret, ça passe

« Je me suis fixé une règle : je n'affiche pas mon homosexualité sauf avec des collègues amis en dehors du bureau, explique Gilles. Aujourd'hui, même si la plupart des personnes se disent ouvertes sur le sujet, l'homosexualité peut encore poser problème. Il reste encore de la discrimination plus ou moins latente. Tant qu'on reste discret, ça passe. C'est le jour où on l'affirme haut et fort que cela peut poser problème. »

40 ans et pas marié ?

Depuis son entrée dans la vie professionnelle à l'issue de son Bac +5 en gestion d'entreprise, Gilles n'a pas réellement ressenti de discrimination. Sa carrière s'est déroulée normalement. Lors de ses premiers entretiens, il est jeune diplômé. Parler de sa situation lui est plus aisé : « Les questions d'ordre plus administratif du type « Etes-vous marié », « avez-vous des enfants » ne soulevaient pas d'interrogations particulières, explique Gilles. Il y a souvent davantage de questions personnelles quand le recruteur se rend compte que quelque chose ne colle pas. Comme par exemple le fait qu'à 40 ans on ne soit pas marié. »

Dire la vérité, c'est reposant

Depuis son embauche, l'information sur sa situation a naturellement circulé, sans que cela pose un quelconque problème.

« Les choses se font au fil du temps, détaille-t-il. J'en ai parlé à quelques personnes, les rumeurs ont circulé. Il y a surtout une sacrée intuition des personnes ! Je pense que la formulation de mes réponses relatives à mon conjoint leur faisait comprendre que je ne suis pas dans une situation classique. Cela ne me gêne pas. Au contraire : c'est plus reposant. C'est un sacré exercice de style que d'être toujours vigilant sur son vocabulaire, d'essayer de trouver la bonne formulation pour ne pas parler de son conjoint au masculin ! »

« Ce n'est pas elle, c'est il »

Approché par un cabinet de recrutement, Gilles a même choisi de parler de son homosexualité lors d'un troisième entretien avec le DRH de l'entreprise.

« Le DRH m'a demandé si j'étais marié, si j'avais des enfants et ce que faisait la personne avec qui je vis, se souvient-il. Je me suis senti hyper mal à l'aise mais j'ai choisi de répondre : « Ce n'est pas elle, c'est il ». Après un gros blanc, il s'est excusé. Nous avons ensuite parlé de la diversité en général dans l'entreprise. Il était très ouvert. Mais il m'a tout de même conseillé à la fin de l'entretien de ne pas en parler à l'équipe dans laquelle je devais travailler. » Gilles a finalement refusé le poste qu'on lui proposait.

Aujourd'hui, sans complexe par rapport à sa situation, il confie tout de même une crainte : celle que, en cas de concurrence pour monter les échelons, les ressources humaines ne préfèrent un autre candidat.

 

* Gilles a souhaité gardé l'anonymat non pas par rapport à son homosexualité mais pour que son employeur n'apprenne pas qu'il a envisagé un moment de changer de poste.

Pascale Kroll
Pascale Kroll

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