Quel premier bilan tirez-vous de la loi sur l'emploi des seniors ?
Il y a indéniablement des aspects positifs. Cette loi a eu le mérite bien plus que pour la réforme des retraites de 2003 et l'accord national interprofessionnel de 2005, de poser réellement la problématique de l'emploi des seniors au sein des entreprises. Et pas seulement dans les grands groupes : les PME de moins de 300 salariés sont également concernées. Le législateur et les partenaires sociaux commencent à intégrer que la vie professionnelle du senior ne s'arrête pas à 50 ans...mieux, que l'expérience des séniors peut être un atout pour notre économie !
Cette amorce de changements profonds que nous pressentons dans l'approche des séniors au travail est sans doute le fruit de la méthode qui a été choisie par la loi : une liberté de négociation certes, mais néanmoins « stimulée » par une sanction relativement dissuasive : les entreprises qui ne seraient pas couvertes par un accord ou un plan d'action encourent en effet une pénalité de 1% sur l'ensemble des rémunérations ou gains versés aux salariés. Et si l'on peut regretter que la loi ne soit pas aussi contraignante en cas d'inexécution des dispositions prévues dans l'accord ou le plan, ou ne garantisse pas un niveau minimal d'ambition pour les mesures prises, il reste que cette loi peut réellement changer les choses si chacun joue le jeu.
Il est évidemment trop tôt pour dresser le bilan de cette loi, dont les effets escomptés se mesureront sur les moyens et long termes. Le défi est d'autant plus ambitieux qu'il convient de garder en mémoire d'où l'on part : avant la loi, le taux d'emploi des seniors en France était l'un des plus faibles de l'Union européenne (38% en France contre 45% en moyenne en Europe). Le chemin qui reste à parcourir est donc encore très long.
D'autant que les entreprises qui avaient le choix entre des objectifs de recrutement ou de maintien de l'emploi ont privilégié ce dernier.
A leur décharge, ces nouvelles obligations sont arrivées au cœur de la crise, période pendant laquelle elles avaient d'ores et déjà du mal à maintenir leurs effectifs constants.
Bien sur, recruter de nouveaux salariés séniors semble plus conforme à l'objectif initial visé par la loi que simplement maintenir l'emploi des séniors déjà embauchés. Mais il ne faut pas pour autant sous-évaluer l'impact social de ce dernier objectif : là où la loi impose que l'objectif chiffré en matière de recrutement vise les salariés de plus 50 ans, elle impose en revanche que celui en matière de maintien de l'emploi vise les salariés de plus de 55 ans... c'est-à-dire ceux dont on sait que s'ils tombent dans le chômage demain, ils auront le moins de chance de retrouver un emploi. Or en ces temps où les entreprises sont durement affectées par la crise, et où, surtout, le chômage mêle sa progression à celle de la précarité sociale, ces premiers chiffres sont tout de même une bonne nouvelle.
Enfin, cette loi imposait également aux entreprises de choisir d'autres domaines d'actions, elles ont prioritairement renforcé leurs dispositifs de formation pour les séniors et elles ont également travaillé sur les conditions de pénibilité (étude ergonomique, visite médiale...).
Si les mesures prévues restent modestes elles ont le mérite d'être concrètes !
Cette loi pourrait-elle devenir plus contraignante à l'avenir ?
Les entreprises ont signé un accord pour les trois prochaines années. A l'issue de cette période, le gouvernement fera un bilan d'étape. Il faut donc laisser les choses se mettre en place, selon le calendrier prévu, avant d'envisager plus de sanctions. Mais très clairement, l'on ne peut pas exclure que des contraintes plus fortes seront mises en œuvre pour les entreprises qui ne respecteraient par leurs objectifs. Les travaux parlementaires d'ores et déjà à l'époque avaient évoqué cette question.
Quelles sont les pistes pour améliorer l'emploi des seniors ?
Dans son projet de réforme des retraites, le ministre du Travail a annoncé une aide à l'embauche pendant un an pour les entreprises qui, quels que soit leurs effectifs, recrutent en CDI ou CDD de plus de six mois des séniors de plus de 55 ans. Ce type de dispositif, calqué sur celui qui avait été instauré pour les TPE, est très efficace en matière de création d'emploi. Il reste néanmoins à savoir si, en ces temps où les « niches fiscales » sont pointées du doigt, cette mesure survivra aux débats parlementaires.
