Seniors en poste : "des compétences sous-exploitées"

Pascale Kroll

L'âge est le premier motif de discrimination à l'embauche. Résultat : les seniors sont les plus en difficulté au moment du tri des candidatures ou lors de la recherche sur les CVthèques. Témoignage vérité d'une "victime".

Lorsque Gérard Thierry perd son emploi de directeur des systèmes d'information, en 2004, à 49 ans, il est plutôt confiant. Il est persuadé qu'il va rapidement retrouver du travail. Son CV est en effet béton : il vient d'occuper le confortable poste de directeur des systèmes d'information pendant quatre ans chez Elvia ; il est par ailleurs membre du comité de direction, son profil est international ; il est trilingue. Un vrai monton à 5 pattes !

Quatre ans plus tôt, alors expatrié en Belgique chez Coca-Cola, il avait eu l'occasion de tester le marché : son CV faisait alors la joie des recruteurs. Enchainait près de deux entretiens par semaine...

Accepter une rémunération moins élevée

Mais, entre temps, de l'eau a coulé sous les ponts. « Curieusement, mon CV ne provoquait plus de réactions, raconte-t-il. J'étais pourtant revenu sur Paris. Et mes références s'étaient largement enrichies de nouvelles expériences. » Il essaie de comprendre.

« Au bout de six mois sans entretien, j'ai eu l'occasion de discuter avec d'anciens camarades de promotion (il est diplômé d'Arts et métiers). Le constat était le même pour la plupart d'entre eux : tous éprouvaient les mêmes difficultés auprès des recruteurs. Il fallait se faire une raison est être plus modeste, c'est-à-dire accepter d'être sous-employé et avec une rémunération moindre. »

Des compétences sous-employées

Dans les jours qui suivent, Gérard Thierry voit une annonce de Textron, une compagnie américaine, pour un poste de Strategic sourcing manager. Il postule, l'offre correspondant tout à son profil. Et à sa grande surprise, l'entreprise ne fait aucun cas de son âge lors du recrutement. Cerise sur le gâteau : lui qui s'était résigné à accepter une baisse de 20 % de salaire, on lui propose un rémunération supérieure de 20 % ! Tout bénéf en somme !

Toutefois, ce job n'est pas idéal : son équipe est à Dallas, lui télétravaille en France, il doit jongler avec les décalages horaires. En plus, lui qui manageait 47 personnes auparavant, aujourd'hui ne manage plus personnes. « Je pense que mes compétences sont sous-exploitées, mais comme je sais qu'aucune entreprise française ne regarde mon CV, je me suis fait une raison » dit-il un brin amère.

L'âge gommé du CV

Aujourd'hui, à 53 ans, Thierry Gérard est inquiet. Etant donné la conjoncture, il sait qu'il peut être remercié à tout moment. Il se prépare à une nouvelle recherche d'emploi avec réalisme. « J'ai pris la décision de ne pas indiquer mon âge sur le CV, de garder que les dernières années d'expérience et les faits marquants de mon parcours. J'ai bon espoir de trouver du travail avec le CV anonyme. »

Manque de réseau

Il a entre temps découvert l'association A compétence égale et a participé à l'un de ses forums senior. Histoire qu'on lui confirme tout l'intérêt de son CV, même si celui-ci ne retient, pour l'instant, pas l'attention des recruteurs.

« Travailler pour une entreprise américaine et en télétravail a un impact négatif sur mon réseau, explique-t-il encore. Principalement constitué de personnes aux Etats-Unis, il ne me sert pas à grand-chose. »

Pascale Kroll
Pascale Kroll

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