Aujourd'hui, pas la peine d'espérer intégrer une école d'ingénieurs ou de commerce si l'on n'est pas né au bon endroit. Fils et filles de cadres y sont surreprésentés.
Les élèves de milieux modestes ont vingt fois moins de chances d'accéder aux établissements prestigieux
La reproduction sociale des élites est une réalité statistique : employés et ouvriers représentent actuellement 60 % de la population active. Pourtant, leurs enfants ne représentent que 6 % des étudiants de l'ENA, moins de 1 % de ceux de Polytechnique, 3,4 % de ceux des écoles de commerce et 6,1 % de ceux des écoles d'ingénieurs (rapport Ouvrir les grandes écoles à la diversité, Institut Montaigne, 2006). Pire : la représentation des élèves d'origine modeste ne cesse de diminuer depuis 30 ans. Ils étaient 29 % en 1950, contre 9 % aujourd'hui.
Face à ces lacunes, il faut agir. Ce sera 30 % d'élèves boursiers dans les classes préparatoires à la rentrée 2010 (contre 23 % en 2008), a fixé le gouvernement. Il est également question de renforcer l'alternance dans les écoles et d'améliorer les dispositifs d'orientation scolaire.
Les précurseurs : Sciences Po et Essec
Des établissements n'ont pas attendu le feu vert de l'Etat pour multiplier les initiatives et s'ouvrir aux jeunes de milieux modestes. Parmi eux, certains sont avant-gardistes :
-Sciences-Po :
En 2001, Sciences-Po a ouvert la voie de la diversité en concluant des conventions avec des lycées situés en zone d'éducation prioritaire (ZEP). Depuis, 62 lycées ont rejoint le dispositif, 477 élèves venus de banlieue ont été intégrés à l'école. Fortement décrié à l'époque, le dispositif fait aujourd'hui des émules. Le directeur de l'école, Richard Descoings, a d'ailleurs décidé d'aller plus loin en lançant l'idée, en janvier dernier, de supprimer le concours d'entrée de son école, le qualifiant d'«absolument pas démocratique».
-Essec :
En 2003, l'Essec a également innové avec son programme de tutorat « Une grande école : pourquoi pas moi ? ». Objectif : amener les élèves des lycées situés dans des zones défavorisées à se présenter devant les concours d'entrée aux grandes écoles avec de meilleures chances de succès. Une cinquantaine d'écoles de commerce et d'ingénieurs se sont depuis inspirés du modèle, à l'instar de l'Ecole nationale des arts et métiers ParisTech avec le dispositif Orientation et programme pour la technologie, l'ingénierie et le management (OPTIM) ou encore de l'Isae. Le projet de cette dernière, « Ose l'Isae », s'adresse aux élèves dès l'école primaire, par le biais d'un éveil scientifique, jusqu'aux lycéens par des actions de tutorat. Des étudiants de l'Isae donnent des cours de soutien en lycées situés en ZUS et encadrent des sorties culturelles, notamment au salon de l'aéronautique et de l'espace du Bourget.
La CGE pratique l'ouverture sociale
La Conférence des grandes écoles (250 établissements) est également à pied d'œuvre afin de lever les obstacles, au premier rang desquels, le frein financier. Il s'agit de bien faire passer le message que, une fois le concours passé, les écoles peuvent trouver des solutions afin d'aider financièrement l'étudiant.
Depuis 2004, la CGE a lancé l'opération Tremplin « Premières/Terminales STT, STI, STL, Osez les grandes écoles, rejoignez la tribu prépa ». Objectif : la promotion des bacs technologiques. Plusieurs dispositifs ont été adoptés par les grandes écoles pour élargir et diversifier leur recrutement, parmi lesquels :
-L'apprentissage
-L'information sur les formations et métiers, dans les lycées et les écoles. L'ENTPE organise un forum sectoriel en aménagement du territoire et bâtiment/TP avec des entreprises pour tous les niveaux de formation.
-L'aide à l'évaluation des élèves susceptibles de réussir un cursus de grandes écoles. Polytech'Lille aide des lycéens dans l'élaboration d'un projet professionnel et d'un parcours de formation.
-Le tutorat ou le parrainage des élèves de milieux modestes dans les lycées de ZEP.
-L'intégration sociale de proximité : éveil des jeunes scolarisés dans les ZEP aux activités scientifiques et aux métiers des ingénieurs.
Des exemples intéressants
Depuis fin 2008, les neuf écoles Passerelle, en association avec Fondation agir contre l'exclusion, permettent à des élèves issus de milieux défavorisés d'intégrer une école de la banque Passerelle sans passer par son concours à bac+ 2 ouvert aux titulaires de BTS et de DUT. Il s'agit d'une nouvelle voie d'admission à niveau Bac.
Le groupe ESC Dijon est en train de mettre en place un système de micro-crédit au profit des étudiants modestes pour les aider à payer leur caution d'emprunt dans le cadre du financement de leurs études.
