30 ans de politiques publiques, une ribambelle de lois et pourtant rien n'y fait : le taux de chômage des 15-24 ans en France atteint près de 24 %. Pour certains jeunes, c'est encore plus dur : outre leur inexpérience, ils résident dans une zone urbaine sensible, portent un nom à consonance étrangère ou encore vivent en zone rurale défavorisée.
« Le taux de chômage dans les quartiers est plutôt de l'ordre de 30 à 40 %. Les universités sont remplies de jeunes issus de l'immigration dont elles ne savent que faire », annonce Saïd Hammouche, surnommé « le chasseur de têtes des cités » par la presse depuis qu'il a fondé le cabinet de recrutement Mozaïk RH, qui met en relation jeunes de banlieues et DRH.
Mieux vaut s'appeler Olivier que Mohammed
Les jeunes des quartiers défavorisés sont socialement moins armés pour affronter leur intégration professionnelle. Le handicap de la domiciliation est souvent couplé avec celui de l'origine sociale. L'Observatoire des discriminations a réalisé une étude éloquente à ce sujet : « Olivier, Gérard et Mohammed ont-ils les mêmes chances de faire carrière ? ». Jean-François Amadieu y établit que « le fait de porter un prénom plutôt qu'un autre modifie la destinée professionnelle ». 83 % des fils d'ouvriers au prénom maghrébin sont ainsi ouvriers, alors que la moitié des fils d'ouvriers au prénom « français de souche » ont connu une ascension sociale.
Le diplôme n'y change rien. Au contraire : plus celui-ci est élevé, plus c'est difficile. Il y a beaucoup plus de mixité en bas de la hiérarchie qu'en haut. D'où l'urgence d'agir pour qu'un jeune qui fait la fierté de son quartier en décrochant des diplômes ne devienne pas la honte du quartier s'il ne trouve pas d'emploi rapidement.
En première ligne face à la crise
Aujourd'hui, la situation n'est pas prête de s'arranger. Les associations oeuvrant pour l'embauche des jeunes issus de quartiers défavorisés voient leurs missions affectées par la crise. Et elles enregistrent un afflux de candidatures.
« Notre activité a sensiblement baissé, regrette Driss Aït Youssef, directeur du cabinet APC recrutement. On plaçait 350 jeunes par an. Depuis la crise, c'est plutôt une centaine. Les entreprises n'ont plus l'énergie de faire des démarches pour recruter dans les quartiers. Nous recrutons des Bac + 2 mais peu de Bac +5, des CDD plutôt que des CDI. »
Des initiatives heureuses

Des associations, cabinets de recrutement et entreprises ont lancé des initiatives qui portent déjà leurs fruits :
Le parrainage
L'idée : des bénévoles du monde de l'entreprise, actifs ou retraités, accompagnent le jeune lors de ses premières recherches d'emploi.
« Il s'agit de tout faire pour qu'il puisse être mis en relation avec des professionnels, afin que son réseau se développe », explique Kadi James, responsable du développement RH chez Nos quartiers ont des talents, qui compte aujourd'hui 1 400 parrains actifs.
Mozaïk RH, qui a permis l'embauche de 350 jeunes en 18 mois, a pour sa part instauré un système d'accompagnement en binôme. Côté entreprises, la banque Dexia accorde à ses collaborateurs, par le biais d'un partenariat avec les missions locales, deux heures par mois sur le temps et le lieu de travail pour parrainer un jeune.
Le coaching
APC recrutement propose de l'accompagnement conjuguant coaching et conseil, individuel et collectif, avec présentation de chefs d'entreprise, aide à la lettre de motivation et à la recherche d'emploi. Le programme de coaching « Accent sur l'emploi » d'Accenture permet chaque année à une dizaine de jeunes diplômés non issus d'écoles cibles habitant en ZUS et en recherche d'emploi d'être accompagnés par des coachs professionnels rémunérés par l'entreprise. Le coaching dure 4 mois, à raison d'un rendez-vous toutes les 3 semaines.
Les forums de recrutement :
La Société Générale s'est attachée à diversifier ses sourcings en direction des candidats issus des quartiers sensibles par le biais de forums organisés sur place avec IMS, l'Afip et Africagora. Elle organise également chaque année une opération au Stade de France : sur 500 jeunes diplômés (Bac +2 minimum), habitant en Seine Saint-Denis pour la plupart, 180 repartent avec une promesse d'embauche en CDI. Outre les forums emploi ou des opérations ponctuelles comme le « Train pour l'emploi et l'égalité des chances » (à laquelle participent également la SNCF, Axa ou encore La Poste), BNP Paribas organise pour sa part des opérations « entretien immédiat » dans ses agences en Ile-de-France.
Les dispositifs d'alternance :
Dans le cadre du Plan Espoir Banlieues, plus de 50 entreprises et fédérations ont annoncé un objectif de recrutement de 11 000 jeunes en CDI et CDD, mais aussi en alternance ou en stages longue durée. GGF s'engage par exemple à recruter 50 jeunes issus de ZUS en CDI par an et 40 en contrat d'apprentissage.
Le mécénat :
Des entreprises octroient des bourses à des jeunes de milieux défavorisés. La fondation Accenture propose ainsi des bourses d'études entre 1 500 et 5 000 euros à chacun des jeunes ayant suivi dans le cadre de l'action « Une grande école : pourquoi pas moi » menée par l'Essec et ayant intégré un établissement de l'enseignement supérieur.
