Management bienveillant : définition et conseils

Régis Delanoë

Et si la bienveillance s’invitait au cœur des préoccupations managériales ? Aux antipodes des vieilles méthodes de management où l’on ne jurait que par l’autorité dans le but de valoriser le « chef », le management bienveillant aspire à de nouveaux horizons. Il consiste à placer son équipe au centre de ses préoccupations professionnelles, en l’accompagnant dans son apprentissage mais aussi dans son évolution au sein de l’entreprise, avec respect, écoute et positivisme. Vous êtes guidé par un seul objectif, la réussite de votre équipe ? Ce style de management est alors fait pour vous. Découvrez dans cet article nos 8 conseils pour un management bienveillant.
Management bienveillant : définition et conseils

Placer la gratitude au centre du management bienveillant

« Une récente étude de Google a révélé que c’est la gentillesse qui améliore le plus la productivité », assure Philippe Rodet, auteur de l’ouvrage Le Bonheur sans ordonnance. Il poursuit : « Beaucoup de salariés que j’ai pu observer se plaignent qu’ils ne sont jamais complimentés quand leur travail est bien fait mais qu’ils perçoivent des reproches au quotidien pour tout et n’importe quoi ». Ce mode de management, sans reconnaissance du travail fourni, peut apparaître comme destructeur car il finit par faire croire qu’il n’est pas utile de travailler du mieux possible. Résultat : des collaborateurs qui en font le minimum. « Un manager doit avoir de la considération pour chacun de ses collaborateurs, estime Éric Albert, président de l’Institut français de l’action sur le stress (IFAS). Respecter un collaborateur, c’est respecter une personne avant de respecter une fonction dans la hiérarchie ». Comme tout être humain, il doit bénéficier d’un juste traitement. « Si vous savez complimenter vos collaborateurs quand ils le méritent, ils reconnaîtront et accepteront plus facilement le reproche s’il est justifié », note encore Philippe Rodet.

Fixer des objectifs atteignables à son équipe

Parmi les ressorts majeurs du management bienveillant, il y le fait de fixer à chacun des objectifs atteignables lors des entretiens annuels. « On a longtemps pu croire qu’un bon manager était celui qui poussait toujours ses collaborateurs vers l’excellence en leur fixant des objectifs au-delà de leurs possibilités, mais c’est une erreur », assure Chantal Prévost, psychologue du travail. Une bonne mission est une mission dont on voit qu’elle a une fin, de même qu’il faut fixer une arrivée à atteindre pour qu’un coureur consente à prendre le départ : demander à quelqu’un de parcourir 10 km, ce n’est pas lui dire d’aller jusqu’à 11, puis jusqu’à 12, etc. « Pour quantifier ces objectifs au plus juste, il faut que le manager connaisse bien ses collaborateurs et leurs capacités, poursuit Chantal Prévost. Il faut aussi connaître les leviers de motivation pour les encourager à atteindre cet objectif ». Certains ont besoin de plus d’attention que d’autres qui apprécient qu’on leur laisse plus d’indépendance…

Être à l’écoute de son équipe

Philippe Rodet est formel : « Le management bienveillant peut s’appliquer dans toutes les entreprises. Il va d’ailleurs dans le sens des demandes de la jeune génération d’actifs, moins intéressée par la rémunération que par le cadre de travail et la façon de pouvoir travailler comme ils l’entendent, en confiance mutuelle. » Exemples : offrir la possibilité d’adapter les horaires de travail pour faciliter la vie personnelle et développer le télétravail certains jours si cela arrange le collaborateur. La tendance à plus d’indépendance, si elle est bien mesurée et souhaitée par la personne, ne peut que l’encourager à se montrer performante en retour. « J’estime indispensable un équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, dit aussi Éric Albert. Les crèches, les services de conciergerie, les transports organisés par l’entreprise contribuent au bien-être au travail des salariés ». Ce n’est pas du paternalisme mais de la bienveillance au travail. C’est la mise en application du fameux adage « plaisir d’offrir, joie de recevoir » : un manager aux petits soins pour ses collaborateurs, à l’écoute de leur bien-être et de leur rythme de vie, les verra systématiquement en retour s’employer pour donner le meilleur d’eux-mêmes à leur poste.  

Management bienveillant et quête de sens au travail

 « Combien de salariés ne savent pas vraiment à quoi ils servent vraiment ? C’est dramatique », interroge Philippe Rodet. La bienveillance passe également par l’explication des missions que le manager propose à ses équipes de travail. Les collaborateurs ne sont pas des robots. Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour qu’ils s’exécutent, il faut qu’ils comprennent le sens de leurs tâches, qu’ils sentent qu’ils sont un maillon important dans la réussite de l’entreprise. « C’est à la fois valorisant et ça renforce la créativité et la prise d’initiative », souligne Philippe Rodet.

Prendre le temps d’évangéliser la pratique du management bienveillant

Le management bienveillant gagne de plus de plus en plus d’entreprise. Mais cet engouement ne signifie pas qu’il soit facile à appliquer partout, dans toute structure et dans tous les secteurs. « Sa mise en application peut parfois s’avérer difficile, surtout lorsque la norme a longtemps été au management très directif », concède Philippe Rodet, auteur de l’ouvrage Le Bonheur sans ordonnance. C’est souvent le cas dans la grande distribution par exemple.

Pour ses détracteurs, le management bienveillant ne fonctionnerait pas dans tous les cas ni avec toutes les personnalités de salariés. « Pourtant, il fonctionne, mais pas forcément de la même manière, observe Olivier Moch, formateur et auteur de Managers, communiquez mieux avec vos collaborateurs !. La bienveillance peut effectivement engendrer certaines résistances, chez des profils seniors notamment, qui ont toujours fonctionné avec une hiérarchie traditionnelle et peuvent trouver dans ce changement la crainte de sortir de leur zone de confort ». D’après la psychologue du travail Chantal Prévost, « cette catégorie de sceptiques n’est pas totalement réfractaire au changement, il leur faut juste plus de temps. L’effet de groupe leur suffit généralement à se convaincre de rejoindre la dynamique née de la bienveillance ». Pour eux, mieux vaut adopter une attitude rassurante, par exemple en leur disant que la mise en place d’horaires plus souples ne les empêche pas de garder les horaires qu’ils avaient avant si cela leur convenait ! 

Éviter la relation copain-copain

Quant aux quelques salariés qui croient pouvoir profiter des nouvelles libertés qui leur ont été accordées, il faut savoir les prendre à part pour les recadrer car, prévient Philippe Rodet « le management bienveillant, ce n’est pas se laisser dépasser ni accepter d’avoir une relation copain-copain ». Une mise en garde que partage également Olivier Moch, qui précise : « Beaucoup de managers ont l'impression d’y perdre une grande partie de leur autorité alors qu'en fait elle se redistribue de manière différente ».

Se former au management bienveillant

Si la bienveillance est aujourd’hui une notion à la mode dans la pratique managériale, on trouve peu de formations spécifiques. Tous les formateurs s’accordent néanmoins à dire que le management bienveillant est indispensable et s’apprend, aussi bien par des formations, des exercices et de la bonne volonté.

Quelques formations spécifiques au management bienveillant

Parmi les grands instituts de formation professionnelle qui existent en France, ils sont encore rares ceux qui proposent des modules spécifiques au management bienveillant. C’est le cas néanmoins d’EFE, dont la responsable des départements management et efficacité professionnelle Tatiana Marot détaille le contenu : « Il s’agit d’une formation qui a pour but de présenter les avantages de la posture bienveillante pour les managers ». En deux jours, ils apprennent que la bienveillance n’est pas antinomique de l’autorité. « Ce sont des efforts tout simples que nous réaffirmons : savoir dire merci ou reconnaître ses erreurs. Nous prenons le temps pendant la formation d’en expliquer les bienfaits », assure Tatiana Marot. Une formation qui fait la part belle au temps de parole : c’est aussi ce que propose Orsys avec un module de deux jours aussi sur le manager 3.0. « L’idée est de favoriser un management humain où le respect et la bienveillance font partie du quotidien, éclaire l’ingénieur pédagogique d’Orsys Clarisse Gilbert. On travaille avec les managers sur l’autodiagnostic, la mise en situation et quelques exercices pratiques ». Exemple : l’exercice du management minute, où le manager dispose d’une minute pour féliciter un collaborateur et lui adresser des signes de reconnaissance. « C’est un outil qui permet à certains managers de se libérer, de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, de manière à motiver leurs troupes ». 

Le management bienveillant, élément de nombreuses formations

Dans d’autres instituts de formation, la bienveillance s’apprend non pas spécifiquement mais en transverse, dans le cadre d’autres modules. « Elle irrigue l’ensemble de nos formations en management et en développement personnel, affirme Jean-Pierre Testa chez Cegos. Le management moderne se doit d’être bienveillant, il y a une prise de conscience à avoir à ce sujet et des idées reçues à chasser : non, la bienveillance ne va pas à l’encontre de la productivité ». Selon lui, il est rappelé à chaque manager en formation qu’il faut bien distinguer l’autorité de l’autoritarisme : « un manager peut être ferme dans ses positions sans jamais oublier de respecter ses collaborateurs. Par des échanges entre participants, nous parvenons à distinguer les problèmes que peut générer un collaborateur des problèmes en eux-mêmes : l’intransigeance à régler le problème ne doit pas entraîner une relation conflictuelle ». Si par exemple un collaborateur a des difficultés à tenir un rythme de travail, ce n’est pas en l’attaquant frontalement que les choses vont s’arranger mais en attaquant son problème. « La bienveillance c’est prendre conscience du problème de l’autre pour mieux le résoudre », estime aussi Tatiana Marot. Se mettre à la place de la personne, comprendre les mécanismes qui font qu’il y a un souci et voir comment il peut être résolu : réaménager le poste de travail, refonder les équipes de travail, modifier les horaires… Dans des formations existantes comme Mieux écouter pour mieux décoder, il est question de ces enjeux qui participent à la bienveillance au travail.  

Un apprentissage au quotidien

La bienveillance s’apprend au quotidien pour un manager, estime Philippe Falantin, animateur de formation pour Demos, qui décrypte le terme. « La bienveillance, c’est l’acte de bien veiller, donc d’être attentif, au plus près de ses équipes ou de ses collaborateurs. Le premier exercice à fournir pour un manager bienveillant est donc l’observation ». Il illustre ensuite avec l’image du tennis : « Une fois que vous avez jaugé votre collaborateur, il faut qu’il puisse s’épanouir au travail comme le tennisman évolue sur un court, avec un adversaire adapté. S’il est trop fort, cela va vite le décourager. S’il est au contraire trop faible, cela ne va pas le pousser à hausser son niveau de jeu ». L’adaptabilité est une base de travail du quotidien du manager pour viser bienveillance et harmonie entre collaborateurs. « Avec la bienveillance, on se situe à la frontière de l’apprentissage de la psychologie, reconnaît Tatiana Marot. C’est vers cet axe de travail que les formations devraient avancer dans les années à venir ».

Que faire si un collaborateur est réfractaire à votre management bienveillant ?

Vous avez opté pour un management bienveillant et dans votre équipe tout le monde ne joue pas le jeu. Comment réagir face à ces réfractaires au management bienveillant ? « Certainement pas en laissant traîner les choses, conseille Olivier Moch. Il doit mettre les choses à plat avec le collaborateur qui tenterait de le berner, lui faire comprendre qu'il est démasqué et que ce n'est dans l'intérêt de personne, ni le sien ni celui du groupe, de biaiser le mode de fonctionnement de l'équipe », conseille Olivier Moch. En lui expliquant l’intérêt majeur de cette gouvernance différente : une productivité accrue - des études le prouvent - tout en offrant un cadre de travail plus apaisé et respectueux de chacun. « Par le dialogue et l’anticipation, le manager limite le risque de la tentation de revenir à un autre style de management », assure Philippe Rodet.

Régis Delanoë
Régis Delanoë

Après un Master obtenu à l’Institut d’études politiques de Rennes, Régis Delanoë s’est mis à son compte en tant que journaliste indépendant. Multitâche, il travaille depuis plus de dix ans dans le vaste domaine de la presse écrite et web. Enquêtes, reportages, interviews et veille de l’actualité : il s’est notamment spécialisé dans le secteur de l’emploi et de la formation, s’intéressant de très près aux nouvelles tendances et aux évolutions à venir en la matière.

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