MBA/Mastère spécialisé : comment le financer quand on est salarié ?

Sylvie Laidet-Ratier

Une fois votre MBA ou votre MS sélectionné, vous allez devoir trouver des solutions pour financer ce programme de top management. Deux hypothèses : vous réussissez à convaincre votre employeur et montez un dossier de financement en partenariat avec lui. Ou, seconde option, vous préférez la discrétion sur le sujet et dans ce cas, vous vous débrouillez pour « lever » des fonds. Explications.
MBA/Mastère spécialisé : comment le financer quand on est salarié ?

Premier cas : votre employeur est au courant
Vous êtes salarié et votre employeur est d’accord pour financer tout ou partie de votre MBA ou de votre master spécialisé.

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D’abord, ne rêvez pas. Le temps où les entreprises envoyaient gaiement leurs salariés suivre un 3ᵉ cycle sans exiger de contrepartie est révolu. Trop cher, et trop chronophage à leurs yeux. Du coup, si vous êtes candidat à ce type de formation continue, attendez-vous à mettre la main à la poche d’une manière ou d’une autre.

Vous mobilisez votre Compte personnel de formation (CPF) et l’entreprise « abonde »

Il y a fort à parier que votre employeur vous demande de mobiliser vos heures de formation acquises au titre du CPF (maximum 144 heures à ce jour). Pour compléter, dans le meilleur des cas, il prendra la différence sur le budget de son plan de formation ou dans le cadre d’une période de professionnalisation. Et vous n’aurez donc rien à débourser. Néanmoins (car il y a toujours un mais…) « Quand les entreprises financent le MBA, elles font en général signer une clause de dédit-formation à son collaborateur », constate Irina Schneider-Maunoury, associate Director, Financial Aid – Degree Programmes au sein de l’INSEAD. Cette clause vous engage à rester dans l’entreprise pour une certaine durée, faute de quoi, vous devrez rembourser les frais de formation. « S’ils financent, les employeurs n’hésitent pas à réviser à la baisse le variable du collaborateur en formation ou lui demandent de poser des jours de congé, ou des jours RTT pour aller suivre son parcours de formation », détaille William Hurst, directeur d’Audencia Executive Education. Donc, rien de vraiment « gratuit ».

 

Vous mobilisez votre CPF et l’entreprise n’abonde pas

Dans ce cas, sa manière de participer consiste à vous délivrer des autorisations d’absence pour vous rendre en formation. Mais au final, c’est vous qui payez le solde de la facture auprès de l’organisme de formation.

Vous demandez un congé individuel de formation (CIF)

Si l’employeur accepte votre départ en CIF, vous devez alors convaincre votre Opacif (organisme paritaire collecteur agréé pour le financement du CIF) de financer votre projet de formation. Comme vous pouvez l’imaginer, présenter une note pouvant frôler les 75 000 euros en fonction des MBA (environ trois fois moins pour un master spécialisé) n’est pas toujours bien perçu par certains Opacif. En fait, il n’existe pas de règle immuable sur le sujet. Tout dépend des Opacif mais aussi de leur localisation. « Pour cette rentrée, nous n’avons pas eu une seule demande de CIF acceptée pour des demandes de financement de MBA », constate Christine Neveux, conseil en financement à l’EM Lyon. Au Fongecif Ile-de-France, on préfère également rester vague sur le taux de financement des dossiers de MBA et de mastères spécialisées. Pas de chiffres donc mais des pistes de réflexion. « Avant de déposer un dossier, le candidat à un CIF peut s’assurer de la cohérence entre son projet professionnel et la formation visée. Pour cela, il peut rencontrer gratuitement un conseiller dans le cadre du conseil en évolution professionnelle (CEP). Les étapes 2et 3 du CEP aident à peaufiner le projet professionnel, l’ingénierie pédagogique et le financement. Le CIF peut être une possibilité de financement mais ce n’est pas la seule», insiste Philippe Estier, responsable du pôle accompagnement financier du Fongecif-Ile-de-France. En fait, selon les années et les budgets, les Opacif identifient des publics plus ou moins prioritaires, ce qui n’est pas nécessairement le cas des candidats à un MBA ou un MS car les frais de formation sont en général élevés et le montant des rémunérations à régler également. « Monter un dossier avec plusieurs types de financement, essayer de raccourcir la durée de la formation, avoir été accompagné dans le cadre du CEP ne sont pas des assurances pour décrocher un financement CIF pour ce type de formation, mais cela peut y participer », précise-t-il. Quel que soit le coût de votre dossier, anticipez (entre 6 et 12 mois avant le début de la formation) votre demande de financement auprès de votre Opacif. Car cela peut prendre beaucoup, beaucoup de temps. Sachez que dans le cadre d’un CIF, vous ne pourrez pas être financé à hauteur de plus de 18 000 euros HT et à 27,45 euros de l’heure. Cela vaut donc le coup de comparer avec la prise en charge d’un OPCA (Organisme collecteur agréé chargé de collecter et de redistribuer les obligations financières des entreprises en matière de formation professionnelle) dans le cadre du compte personnel de formation. Enfin, si votre employeur refuse votre demande de CIF, vous devrez emprunter des voies détournées (formation hors temps de travail) ou renouveler votre demande ultérieurement.

    

Deuxième cas : vous n’informez pas votre employeur

Vous êtes salarié mais vous n’avez pas envie d'informer votre employeur de votre souhait de suivre un MBA ou un mastère spécialisé

Dans ce cas de figure, plusieurs solutions cohabitent.

- vous mobilisez vos heures de CPF en tant que salarié autonome. Pour cela, vous devez, au préalable, avoir créé un compte CPF en ligne. Vous vérifiez que la formation souhaitée est éligible au CPF. Puis, envoyez la demande à l’OPCA dont vous relevez. Cet organisme prend alors en charge tout ou partie des frais de formation en fonction de l’abondement pratiqué par l’organisme. «En fonction de leurs priorités, les OPCA abondent différemment sur les projets de financement de nos clients. Le Fafiec, OPCALIA et l’OPCA DEFI sont les orgnaismes avec qui nous pouvons monter des dossiers de financement très intéressants pour nos clients», constate Claire Demoulin, Admissions Advisor à l’ESSEC Executive Education. Contrairement aux Opacif (Fongecif, etc), le montant remboursé n’est pas plafonné. « En mars dernier, nous avons eu 3 dossiers de MBA financés à 100% par le CPF grâce à l’abondement des OPCA des participants », illustre William Hurst d’Audencia Executive Education. A noter que les OPCA fonctionnent avec des budgets par année civile. « Donc, vous avez plus de chance d’être financé en début d’année qu’en fin d’année », ajoute-t-il.

- Si votre OPCA ne finance que partiellement votre MBA ou MS, vous aurez un « reste à charge » à payer.

Pour cela, soit vous mobilisez votre épargne personnelle, soit vous avez recours à un prêt bancaire. La plupart des établissements proposant des MBA ou des MS ont noué des partenariats privilégiés avec les banques. L’INSEAD, dont les frais de scolarité pour un MBA s’élèvent à 73 500 euros TTC, auxquels s’ajoutent les frais d’hébergement, de nourriture, de transport (soit environ 22 000 euros supplémentaires pour une année), a par exemple négocié des conditions de prêts étudiant pour ses participants. A l’Essec, l’emprunt contracté prend la forme d’un prêt à taux zéro. « Pour cela, nous déduisons les intérêts d’emprunt du montant de la formation si le taux du prêt contracté est inférieur à 1,8% », souligne Claire Demoulin.

Autre option pour combler le reste à charge : les bourses. « Les participants qui doivent financer au moins 50 % de leur formation sur leurs fonds propres peuvent motiver une demande de bourse. On compte environ 10% de boursiers par promo. La bourse peut couvrir entre 10 et 20% du coût du MBA », détaille Christine Neveux, conseil en financement à l’EM Lyon. L’INSEAD octroie des bourses au mérite (capacité d’innovation, créativité, leadership, contribution au développement de leur région, etc), ainsi que des bourses basées sur la diversité socio-économique, par exemple aux participants ayant des salaires moins élevés que les autres. Il y a également des bourses pour les femmes qui montrent une excellence académique et un parcours professionnel d’exception. Les candidats à un MBA à Audencia peuvent prétendre à des bourses au titre d’un repositionnement professionnel. Par exemple, un directeur marketing souhaitant évoluer vers un poste de DRH. L’ESSEC distribue également des bourses (entre 2500 et 10 000 euros) pour les participants à ces MBA.

Enfin, autre moyen de financer le solde de votre formation : mener une campagne de levée de fonds sur une plateforme de crowdfunding (EdukLab, Studentbackr…). Encore timide en France, cette pratique consiste à mettre en ligne son projet de formation et de faire appel aux dons. Sur un an, Studentbackr enregistre environ 8 demandes de financement de MBA ou mastère spécialisé par mois. Ces projets collectent entre 3000 et 6000 euros.  « La moitié des projets publiés atteint au moins 50% de l’objectif. Contrairement à d’autres plateformes, Studentbackr permet de conserver l’ensemble des sommes collectées, quel que soit le taux de succès de la campagne », précise Marjolaine Blazy, co-fondatrice de la plateforme. Evidemment, ces dons ne sont pas totalement gratuits car le porteur de projet doit reverser à la plateforme entre 7 et 10% du montant collecté en ligne.

Tous ces moyens de prendre en charge le coût de votre formation peuvent évidemment se compléter.

- Vous mobilisez une formation hors temps de travail (FHTT) auprès de votre Opacif : contrairement au congé individuel de formation (CIF), vous n’avez pas besoin de l’autorisation de votre employeur pour suivre une FHTT qui peut donc s’effectuer en toute confidentialité. Pour en bénéficier, vous devez être en CDI dans l’entreprise depuis au moins un an et faire votre demande au moins 3 mois avant le début de la formation. Au Fongecif-Ile-de-France, seuls les coûts pédagogiques sont pris en charge, soit partiellement, soit totalement, à hauteur maximum de 18 000 euros HT et à 27,45 euros de l’heure. « En complément de nos priorités, il est clair que le salarié candidat à un MBA part time doit se poser la question de la formation hors temps de travail », précise Philippe Estier du Fongecif-Ile-de-France. Et pour cause, avec ce dispositif, l’Opacif n’a pas à prendre en charge votre rémunération. Vous vous formez à titre perso, hors temps de travail, vous continuez à travailler et êtes donc payé normalement.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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