Licence de marque, concession, commission-affiliation : quésako ?

Fiona Collienne

Si la franchise est le mode de commerce indépendant organisé le plus complet et le plus abouti sur le plan juridique, il existe d’autres formes d’entrepreneuriat qui peuvent tout à fait convenir à certains projets. A condition de savoir à quoi on s’engage.

Au fil du temps, le mot franchise est devenu le terme générique pour désigner le commerce indépendant organisé. Mais il cache en fait une pluralité de formules qui permettent au candidat-entrepreneur de se lancer dans un cadre structuré. Ces différentes options, qui vont de la licence de marque à la concession en passant par le partenariat et la commission-affiliation, « viennent en filigrane de la franchise », explique Nicolas Nadal, avocat associé au cabinet Juripole Avocats et spécialiste des réseaux de distribution. Pour parler de franchise, il faut en effet impérativement retrouver trois éléments : une marque, une transmission de savoir-faire et une assistance. Ce qui n’est pas forcément le cas des modes alternatifs qui conviennent bien à ceux qui cherchent à s’adosser à un réseau mais avec davantage de liberté voire de légèreté.

1 - La licence de marque

C’est le système le plus léger et qu’on retrouve principalement dans la distribution de produits. Une enseigne accorde à un commerçant, appelé le licencié, le droit d’utiliser sa marque en contrepartie de redevances et généralement d’un droit d’entrée. Par exemple, un fabricant de chaussettes décide de créer une collection pour enfants et d’y mettre la figure d’un personnage de bande-dessinée. On lui accorde le droit d’utiliser la marque en échange de 10 % du chiffre d’affaires. Ici, peu de contraintes sont imposées au licencié qui gère sa boutique comme il l’entend. « Il faut donc se sentir apte à gérer son point de vente sans disposer de méthodes spécifiques », explique Laurence Vernay, avocate associée au sein du cabinet Saje. Car le licencié ne peut pas s’attendre à un accompagnement poussé de la part de la tête de réseau. « Le contrat de licence de marque n’implique aucune obligation en matière de transmission de savoir-faire ou d’assistance », précise Laurence Vernay.

Requalification fréquente en franchise

Toutefois, sur le terrain, certaines têtes de réseau apportent tout de même quelques éléments de savoir-faire au franchisé, en matière par exemple de formation sur les produits ou d’aménagement du magasin. Ce qui amène Olivier Deschamps, avocat spécialiste des réseaux de franchise et membre du Collège des Experts de la FFF, à affirmer que « dans la grande majorité des cas, un contrat de licence de marque pourra en fait être requalifié en contrat de franchise puisqu’on y retrouvera les éléments de savoir-faire, de formation et d’assistance ». Souvent, une fois que la tête de réseau se sent plus à l’aise pour formaliser et faire appliquer ses méthodes, elle délaisse d’ailleurs la licence de marque pour la franchise.

2 - La concession

Il s’agit d’un système que l’on retrouve surtout dans la distribution automobile, où l’on parle d’ailleurs de « concessionnaire », mais aussi dans les secteurs du mobilier, de l’habitat ou encore de l’ameublement. La tête de réseau passe un contrat avec un concessionnaire et lui assure la distribution de ses produits sur un territoire bien précis pendant une période déterminée. « Ici, en plus de la mise à disposition d’une marque, la tête de réseau est dans l’obligation de fournir au commerçant une exclusivité territoriale pour la revente des marchandises », indique Olivier Deschamps. Cette exclusivité territoriale est donc le nerf de la concession.

Le goût d’une certaine liberté

C’est un système qui convient aux entrepreneurs qui connaissent déjà bien leur métier et qui souhaitent conserver une certaine liberté dans leurs méthodes de vente. Les têtes de réseau recherchent surtout de très bons commerciaux. Ici comme en licence de marque, aucune obligation n’existe en matière de formation, d’accompagnement ou de savoir-faire. « Mais un concédant Renault va généralement transférer du savoir-faire technique et commercial à ses concessionnaires donc sur le terrain, la franchise et la concession sont deux formules très proches », précise Olivier Deschamps.

3 - La commission-affiliation

Dans le cas de la commission-affiliation, l’entrepreneur n’est pas propriétaire de son stock de produits. Il va simplement les recevoir en dépôt dans son point de vente. L’affilié vend en son nom et pour le compte d’une enseigne des produits qui appartiennent à la tête de réseau. En contrepartie, il reçoit une commission sur les ventes réalisées. « L’avantage de cette formule pour l’entrepreneur indépendant est d’éviter de mobiliser du capital puisqu’il n’a pas à supporter l’investissement et les risques liés au stock », explique Nicolas Nadal. La commission-affiliation se développe surtout dans le prêt-à-porter, la chaussure et la maroquinerie en raison de l’importance des stocks dans ces secteurs.

Avantages et inconvénients

Le commissionnaire affilié peut se consacrer uniquement à la vente sans devoir penser à la gestion du stock et des invendus. Ce qui signifie que les candidats entrepreneurs sans compétence en gestion et sans capital de départ important peuvent être choisis par la tête de réseau. Par contre, cette formule limite la marge de manœuvre du commerçant : il ne peut pas choisir les produits qu’il va mettre en vente et, dans la majorité des cas, « c’est la tête de réseau qui fixe le prix de vente des produits ce qui ne donne pas une marge de manœuvre très importante au commerçant », indique Laurence Vernay.

4 - Et le partenariat ?

Le contrat de partenariat offre un cadre plus souple que la franchise. Ici aussi, l’entrepreneur commercialise les produits ou prestations d’un distributeur tout en bénéficiant d’une assistance. « Mais le partenariat a la particularité de reposer sur un management participatif avec un échange de connaissances et d’expériences entre les deux parties », précise Michel Kahn, président de l’IREF, la Fédération des réseaux européens de partenariat et de franchise. Ainsi, chacun participe au développement de l’enseigne ce qui donne souvent l’impression que le partenariat se rapproche du commerce associé tout en restant dans un lien contractuel.

Un certain flou juridique

La formule semble avoir le vent en poupe en France depuis quelques années et séduire de plus en plus d’entrepreneurs à la recherche d’un cadre moins contraignant que la franchise. Mais le partenariat reste un concept juridiquement flou qui suscite donc certaines réticences, notamment chez les avocats. « Il faut se demander si la tête de réseau n’a pas utilisé le mot partenariat au lieu de licence de marque ou de franchise : ça ne me gêne pas que l’on parle de partenariat mais il faut bien vérifier dans le contrat ce que ça implique, notamment en termes d’assistance », conclut Olivier Deschamps.

Fiona Collienne

 

Trois questions à l’avocate Laurence Vernay

Certaines têtes de réseau pensent échapper à la loi Doubin en privilégiant des contrats de licence de marque ou de partenariat. C’est une erreur, selon Laurence Vernay, avocate au sein du cabinet Saje, qui conseille aux candidats de bien faire analyser leur contrat.

Est-ce qu’il arrive régulièrement qu’un contrat de licence de marque soit requalifié en contrat de franchise ?

Oui, ça arrive. Certaines têtes de réseau estiment au départ qu’elles n’ont pas assez d’outils et de méthodes pour se lancer en franchise mais plus tard, sur le terrain, on retrouve bien tous les éléments d’une franchise, avec la transmission d’un savoir-faire et une assistance. Elles pensent parfois qu’avec les autres formules, comme la licence de marque, la loi ne leur impose pas de remettre un DIP (Document d’information précontractuel) au candidat. C’est une idée reçue car le DIP ne doit pas uniquement être donné en franchise.

Légalement, dans quel cas la tête de réseau doit-elle remettre un DIP ?

Toute personne qui met une marque, un nom commercial, une enseigne à disposition d’un tiers et qui lui demande en contrepartie un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité dans l’exercice de son activité doit lui remettre un DIP. Or, si vous êtes en licence de marque ou en concession, c’est très fréquemment le cas. Ce n’est donc pas une exclusivité de la franchise.

Quel conseil donneriez-vous au candidat-entrepreneur ?

Je lui conseille, avant de signer, de faire analyser son contrat par un avocat spécialisé pour bien qu’il comprenne ce à quoi il s’engage. Selon la formule juridique choisie par la tête de réseau, il aura une marge de manœuvre plus ou moins grande dans l’exercice de son activité et l’essentiel est de bien comprendre dès le départ la philosophie du réseau qu’on s’apprête à rejoindre.

 

L’accompagnement a un prix

Comme dans la franchise, la majorité des têtes de réseau font payer au licencié ou au concessionnaire un droit d’entrée et parfois des redevances. Certains entrepreneurs cherchent la solution la plus économique parce qu’ils estiment qu’ils seront peu accompagnés dans leur activité. Attention toutefois à ne pas succomber aux sirènes de la quasi-gratuité. La tête de réseau est tout de même censée apporter certains services et le qualitatif a un prix. S’il n’y a pas de droit d’entrée et de redevance, il faudra chercher, si possible avec un expert, où se trouve le centre de profit de la tête de réseau. Prudence, donc.

Fiona Collienne
Fiona Collienne

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