Travailler en Allemagne : l’enjeu communautaire

Isabelle Garnier-Berg

L’Allemagne est un pilier de stabilité et de croissance pour l’Europe. La France est son premier client et son troisième fournisseur. Pourtant malgré l’intensité de ces échanges et la proximité géographique des deux pays, travailler avec les Allemands peut s’avérer bien difficile. Décryptage interculturel.

Au départ, il y a la règle : intériorisez-la

Nombre de caractéristiques de l’Allemagne s’expliquent par son héritage historique. L’état fédéral et décentralisé d’aujourd’hui s’est constitué tardivement à partir de multiples petites communautés dans lesquelles les individus étaient investis d’une tâche précise, accomplie dans l’intérêt de leur groupe d’appartenance. D’où l’émergence d’une culture communautaire organisée autour d’une autorité proche et fonctionnelle.

Et aujourd’hui ? Les Allemands intériorisent toujours la règle qui, pour eux, conditionne l’exercice même de leur liberté. Les implications dans l’organisation du travail sont multiples…

Décision : jouez la participation, le consensus, la sécurité… et soyez patient !

La hiérarchie outre Rhin est horizontale, courte et informelle avec un  style de management participatif et consensuel – tradition communautaire oblige. La prise de décision peut ainsi paraître parfois laborieuse, l’enjeu étant l’adhésion de tous les acteurs.

De manière générale et afin d’éliminer les risques, les Allemands ne prennent de décision qu’à partir d’informations nombreuses, précises, détaillées et quantifiées.

Par contre, une fois la décision adoptée, ils s’y tiennent et s’impliquent profondément dans sa mise en œuvre. Il faudra alors de solides arguments pour les en faire changer, ce qui peut passer pour un manque de flexibilité.  

Autorité : attention aux effets  de charisme

En Allemagne, c’est la fonction qui confère l’autorité et non la personne. Un manager s’affirme avant tout par ses compétences techniques, son efficacité et son aptitude à déléguer sans empiéter sur le domaine de compétences d’autrui. En effet, l’expertise d’un collaborateur étant reconnue par sa fonction, il dispose en conséquence de la marge de manœuvre nécessaire pour agir en toute autonomie et assume la responsabilité.

Fonctionnement : optez pour l’esprit d’équipe et l’open attitude

Fruit de l’héritage  communautaire, l’esprit d’équipe est une vertu cardinale à tel point que la reconnaissance valorise l’équipe et sa cohésion bien plus que l’individu.

Autre valeur centrale en Allemagne : la cogestion qui conduit à aborder les difficultés de façon constructive. C’est à plusieurs qu’on trouve une solution en cultivant le compromis.

Temps : fonctionnez en mode structuré

Autre dimension importante, le temps : les Allemands, se concentrent de préférence sur une seule tâche qu’ils mènent à terme. Ils ne passeront à la suivante que si la première honore le cahier des charges.

De la même manière, il est indispensable de bien caler ses horaires : outre-Rhin, la journée professionnelle commence tôt (7h30 ou 8 heures) pour se terminer plus tôt aussi (17 heures) avec une courte pause au déjeuner. Le présentéisme n’est pas de mise.

Espace : gardez la distance et respectez le temps libre

En Allemagne, règne une stricte séparation des sphères publiques et privées. Sur place, on se dédie à son travail sans intrusion ni personnelle ni de la vie privée. Par contre, les Allemands sont particulièrement attachés à leur temps libre et consacrent leurs fins de journée aux loisirs et à la famille.

Communication : restez dans le sujet, gardez en tête l’objectif et allez à l’essentiel

La communication en Allemagne est très directe, factuelle, centrée sur le sujet comme sur l’objectif et transparente afin d’être comprise par tous. Ainsi, arrive-t-on à une réunion documents à l’appui, en l’ayant préparée en détail, avec envoi préalable des mêmes informations à tous les participants. On s’y implique en respectant l’agenda et avec l’objectif d’aboutir à une décision qui sera partagée par tous. On en valide les conclusions par l’envoi d’un récapitulatif à tous les participants. En résumé : ne pas sous estimer l’usage formel de l’écrit.

De plus, les échanges professionnels sont teintés de formalisme : on utilise volontiers les titres, préserve une certaine distance et utilise peu la gestuelle.

En résumé pour bien travailler avec les Allemands, il faut avoir en mémoire leur désir d’appartenance au groupe ce qui implique de :

- respecter les règles,

- s’affirmer par ses compétences professionnelles et non par sa personnalité,

- communiquer de façon claire, ciblée, exacte, factuelle, et impersonnelle,

- faire preuve d’esprit d’équipe, déléguer et respecter les compétences de chacun,

- rechercher la cohésion dans les prises de décision en y impliquant tous les acteurs concernés, argumentaires précis à l’appui,

- accepter que le processus de décision soit long,

- admettre que les missions s’enchainent  l’une après l’autre,

- régler les conflits dans une approche de cogestion,

- être ponctuel et respecter la séparation totale du privé et du public.

Isabelle Garnier-Berg
Isabelle Garnier-Berg

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