Travailler en Irlande : le petit pays qui joue dans la cour des grands

Sébastien Rolland

Après six ans d’austérité, le "Tigre celtique" reprend du poil de la bête. De nombreuses sociétés internationales ont implanté leur siège européen en Irlande, surtout dans le secteur informatique. Zoom sur la culture du travail irlandaise pour réussir son intégration.

Dynamique est un terme qui qualifie bien l’économie irlandaise. Chaque semaine, elle créé environ 1 000 emplois en particulier dans le secteur informatique. Il faut dire que les géants du secteur plébiscitent l’île, notamment en raison d’une fiscalité avantageuse et de sa société anglophone. Google, Microsoft, Apple, IBM, HP, Dell… les plus grandes entreprises américaines y ont installé leur siège européen.

L'anglais : obligatoire, mais non suffisant

Attention ! La période faste des années 2000 est révolue ! Le chômage est toujours élevé en Irlande (environ 11,7 %, contre 4,5 % il y a dix ans). Conséquence : ce sont les employeurs qui ont le pouvoir sur le marché de l’emploi. Pour un cadre français, il ne sera pas évident d’être prioritaire face aux candidats locaux. Sauf s’il est capable de justifier d’un anglais impeccable, d’une riche expérience professionnelle et/ou de compétences particulièrement recherchées.

La hiérarchie : "cool", mais présente

Même si le gaëlique est la langue officielle du pays, c’est l’anglais qui prédomine dans le milieu professionnel. Avec le "You", les échanges sont grandement facilités : pas de problème de tutoiement et de vouvoiement, les gens s’appellent directement par leur prénom, quel que soit leur rôle dans l’entreprise.

La plupart des managers se vantent d’avoir officiellement une politique de porte ouverte. En contrepartie, cela favorise souvent un manque d’autonomie chez les employés, car dans une hiérarchie irlandaise, on se réfère généralement à son manager immédiatement en cas de problème. Cela n’est pas nécessairement négatif, mais certains projets s’en retrouvent parfois ralentis.

Le "management par email" : une pratique répandue en Irlande

Attention à bien gérer l’abondance d’e-mails : en vous mettant en copie, certains employés/managers s’en servent plus pour se couvrir que pour vous informer. Que vous preniez le temps de les lire ou non, vous serez considéré comme au courant d’une décision/situation, et si vous n’y répondez pas, cela signifie que vous approuvez. Du coup, les managers, noyés sous des centaines d’emails, utilisent souvent les réunions d’équipe pour faire le point.

La gestion du temps : restez relax

Les Irlandais s’y prennent souvent sur le tard pour commencer un projet. Ils sont d’éternels optimistes, et utilisent d’ailleurs les expressions "hopefully" (en espérant) et "it will be grand…" (tout va bien se passer…) très fréquemment, ce qui pourrait effrayer certains chefs de projet.

En général, les Irlandais n’aiment pas trop s’engager sur des deadlines très strictes. Du coup, le conditionnel ("should"), les petits mots ("-ish", "around", "by", "later") viennent se greffer au langage pour se donner implicitement une petite marge de temps supplémentaire… au cas où. L’expression "I’ll get back to you" (Je te recontacterai) sans précision de date est également prisée sur le plan professionnel, car elle n’engage son auteur à absolument rien. Vous risquez d’étonner, voire d’agacer votre interlocuteur si vous demandez plus de précision.

La culture feedback : indispensable pour avancer dans sa carrière

Dans de nombreuses sociétés, les employés doivent remplir un formulaire d’auto-évaluation une à deux fois par an. Celui-ci sert de point de départ à votre manager pour évaluer vos performances. Il ne faut pas hésiter à s’y mettre en valeur, quitte à donner des exemples précis de projets où vous vous êtes démarqué. Ce document (signé par les deux parties) est à prendre au sérieux, car il peut influer sur votre salaire et vos primes futurs.

Si vous avez fait une erreur dans votre job, on n’attend pas spécialement de vous de faire des excuses, mais plutôt d’expliquer les faits. Ne partagez pas vos problèmes, proposez des solutions. Il est également bien vu d’apporter des idées nouvelles (surtout si elles n’ont pas été demandées) en vue d’améliorer les performances ou de réduire les coûts.

Le réseau: cultivez-le… mais attention à votre réputation !

Avec seulement 4,5 millions d’habitants, l’Irlande est un pays à l’échelle humaine. Tout le monde connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un. Le point positif, c’est qu’on peut y agrandir facilement son réseau professionnel. En revanche, attention à soigner votre réputation, car les mauvaises nouvelles, elles aussi, circulent vite.

Si vous envisagez de vous y établir, il est important de connaître un petit peu le pays (avec son chaleureux climat) et d’avoir l’esprit ouvert à sa culture qui n’est pas celle du Royaume-Uni (même si les deux pays partagent plus de 800 ans d’histoire). Apprenez à rester positif : les Irlandais voient les problèmes professionnels plutôt comme des opportunités. Restez ouvert aux critiques, même si elles ne font pas toujours plaisir, mais évitez de critiquer vos collègues (car tout finit par se savoir). Dans tous les cas, essayez de grappiller le plus d’expérience possible, cela vous servira plus rapidement que vous ne l’imaginez.

Sébastien Rolland
Sébastien Rolland

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